Décrypter l’intelligence vivante de l’émotion

« Je me souviens… » de Boris Cyrulnik

par Anne-Béatrice Leygues

« Je me souviens »

de Boris Cyrulnik

Fiche de lecture de Anne-Béatrice Leygues

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Boris, en décidant de revenir à Bordeaux, ville de son enfance, fait un retour sur lui-même pour comprendre comment la mémoire s’organise pour rendre le passé accessible.

Il observe que ce sont ses capacités de rébellion, de non soumission et de pitre qui l’ont toujours sauvé.  C’est à dire des stratégies de survie que nous possédons dans notre mémoire ancestrale.

Il nous livre ainsi sa réflexion sur la mémoire, les stratégies d’adaptation, le retour traumatique du souvenir et le travail énorme qui se réalise en nous dans les situations que la vie nous donne à éprouver.

Paradoxe qui fait douter de ce que nous voyons :

À 5 ans Boris voit les troupes défiler comme un jour de fête, pendant que toute sa famille pleure…

La mémoire traumatique transforme, amplifie et/ou minimise.

S’il y a traumatisme, c’est que le réel est invraisemblable.

Au plus profond de nous les traces sont précises mais ensuite pour rendre cohérent le souvenir, nous en arrangeons le pourtour, la forme…

«Des morceaux de vérités claires dans un ensemble flou, incertain.»

À 7 ans, Boris avait conscience d’être condamné à mort mais sans savoir pourquoi : pour quelque chose qu’il ne connaissait pas : il était né juif.

P 28 : L’injustice ce sont  les contresens affectifs.

–     Quelqu’un que j’aime agresse ma mère

–     Le regard de cette dame généreuse qui m’a fait prendre conscience de ma saleté m’a blessé

De cette époque où j’étais dans une stratégie de survie je n’ai aucun souvenir d’émotion … je n’ai que des images et des mots sans émoi…

Il a beaucoup de mal à rappeler le passé car cela implique de faire revenir «l’émotion enfouie »

« Je fais alors comme une enquête archéologique en parlant de moi à la 3ème personne ».

Lorsque nous apprenons à nous défendre, à survivre, nous continuons à le faire même quand il n’y a plus de raison, quand ça n’a plus de sens  « apparemment ».

La mémoire est faite de fragments et les autres participent à nos souvenirs:

Pour Boris les témoignages tardifs sont une source d’angoisse car ils font rejaillir une peur archaïque. Tant qu’il croyait que personne ne l’avait vu, il se sentait en sécurité. Dès lors qu’il réalise l’existence de témoins, il prend conscience qu’il aurait pu être dénoncé.

Nous vivons vraiment dans le regard des autres et nous en ignorons la puissance.

La mémoire, ce n’est pas le simple retour du souvenir, c’est une représentation du passé… Nous nous rappelons de morceaux de vérité que nous arrangeons comme une chimère. (Toutes les parties sont vraies mais la chimère n’existe pas).

Réfléchir par opposition à la confrontation du réel permet d’apprivoiser l’émotion.

P 46-47  : Pour nous protéger de la souffrance des souvenirs, nous préférons éviter de les  re-contacter.

Le déni est un mécanisme de défense qui permet d’éviter l’évocation de ce qui fait souffrir.

Boris, pour éviter de souffrir ne se retourne jamais, ni pleure, ni se plaint.

Son système d’équilibre consistait en une amputation de sa personnalité par légitime défense.

P 51 : Boris revoit le même rai de lumière et fait remonter une émotion de surprise de confirmation de la réalité de sa vie… toutes les vies sont folles…

À 6,5 ans, Boris est arrêté par des inspecteurs français. Il en conclut qu’il est vraiment une personne très importante : tant de personnes mobilisées rien que pour lui !

Il réalise combien cela lui a permis de se considérer comme une personne de valeur et …. en est resté mégalo -:)

Il trouve absurde les lunettes noires en pleine nuit : les adultes ne sont pas des gens très sérieux.

Les détails anodins qui permettent de se détourner de la logique des adultes : les lunettes noires, la glotte du monsieur qui monte et descend : ça c’est intéressant !

P 62 : A la synagogue : Boris est très gai, il repère les portes, fenêtres, il écoute les adultes pour comprendre la situation et trouver grâce à son tempérament la solution.

L’apprentissage d’un type de relation, une sorte de goût du monde que l’on acquiert très tôt dans la vie, une empreinte très précoce.

Avec l’insoumission cela permet le processus résilient

Rebelle signifie se déterminer par rapport à soi.

La réussite du processus résilient tient à la réussite de la solution trouvée : « T’inquiète pas  ça va aller,  il y a toujours une solution… la liberté est au bout de ton effort, ils ne m’auront pas il y a toujours une solution »

Le sentiment de victoire est une reconstruction après coup : avoir pu maîtriser une partie de la situation donne une grande confiance en soi.

La résilience se fait grâce à la transformation de l’émotion.

D’un point de vue « LE »

Ce petit livre retrace les chemins de vie, les processus émotionnels, autrement dit, en langage LE: les tetralèmes de Boris.

Ses perceptions, sensations, ses actions ou réactions pour nourrir son besoin de sécurité.

Il démontre par son récit comment les perceptions peuvent être vraies et pas vraies et les sensations vraies.

Il rend hommage aux stratégies qui l’ont sauvé, à la transformation de l’émotion dans la mémoire pour réaliser le processus de résilience. 

« Thérapie Existentielle » d’Irvin Yalom

par Jocelyne Pringard

Sous-titré  » Apprendre à vivre » et  dédié à sa femme Marylin, ce livre, humaniste et concret dit qu’un conflit peut survenir lors de la confrontation de l’individu aux fondamentaux de l’existence.  La psychothérapie existentielle traite de ce sujet  à travers les 4 enjeux ultimes qui sont pour Yalom :

  • La mort (environ 250 pages). La peur de la mort  joue un rôle majeur dans notre construction interne
  • La liberté (185 pages) : la liberté de créer sa propre vie, être conscient de la responsabilité de créer son destin, désirer changer, le décider et agir.
  • L’isolement (90 pages) Nous sommes jetés dans le monde, nous sommes seuls. Nous devons apprendre à être en lien. L’amour compense la souffrance de l’isolement.  
  • L’absence de sens (90 pages) : Quel est le sens de la vie ? Quel est le sens de ma vie ? Comment un être humain qui, par nature, a besoin de sens trouve-t-il du sens dans un univers qui en est dépourvu ? L’engagement peut nous aider à trouver du sens.

Irvin Yalom introduit ce livre par une comparaison culinaire. Ce qui fait la différence entre une thérapie et une autre ce sont les épices, le petit truc en plus qui fait que c’est réussi ou pas sans que l’on puisse déterminer pourquoi.


De grands écrivains et philosophes accompagnent ce parcours : Kierkegaard, Sartre, Dostoïevski,  Tolstoï,  Kafka,  et Camus qu’il qualifie de « grand penseur existentialiste ».
 L’arbre généalogique de la thérapie existentielle ce sont les  grands écrivains qui explorent et clarifient les enjeux existentiels
C’est un livre dense de 670 pages, plus 55 pages de sources bibliographiques : Montaigne, Spinoza, Fromm, etc…


On peut dans un premier temps ne lire que l’introduction ( 22 pages), puis  s’aventurer à son rythme dans  les chapitres. Yalom ne se prend pas au sérieux : il critique l’hermétisme de certains philosophes, il est aussi très critique sur Freud.



Un des postulats fondamentaux est que « l’unique vérité » c’est  : « l’ici et maintenant ». Toute ressemblance avec la Logique Emotionnelle (L.E.)  n’est pas fortuite. Nous sommes en famille. C’est un livre qui s’adresse aux cliniciens.


Partie 1 : la mort 

  • La peur de la mort joue un rôle majeur dans notre expérience interne ; « la mort nous hante et gronde sur la surface,  présence sombre et troublante sur les rives de la conscience « 
  • L’enfant, à  un âge précoce, nourrit de profondes réflexions sur la mort. Un des enjeux du développement consiste à surmonter des angoisses effroyables de destruction.

Pour contenir ces angoisses, nous érigeons des défenses contre la conscience de la mort, fondées sur le déni, qui modèlent la structure de notre personnalité et lorsqu’elles sont inadaptées, se traduisent par des syndromes cliniques .


« Si la réalité physique de la mort détruit l’homme, l’idée de la mort le sauve. »


 Car l’idée de la mort nous enjoint à adopter un mode de vie plus authentique,  tout en accroissant notre joie de vivre.


Heidegger, en  1926 eut l’intuition cruciale que la conscience de notre mort agissait comme un aiguillon nous permettant de passer à un mode d’existence supérieur.


Des œuvres majeures de la littérature dépeignent les effets positifs sur un individu de la confrontation à la mort, dont deux livres  de Tolstoï : « Guerre et paix » et  « La mort d’Ivan Illitch ».


Les néo-freudiens (Erich Fromm) considèrent que l’enfant n’est ni gouverné par ses pulsions, ni préprogrammé : c’est une personne qui a  des dispositions innées mais qui est aussi  entièrement modelée par son environnement culturel et social. La sécurité constitue le besoin fondamental de l’enfant.


L’enfant peut rencontrer un conflit entre son besoin de sécurité, son besoin de reconnaissance et sa croissance personnelle : dans ce cas, la croissance est toujours sacrifiée au profit de la sécurité.


A l’équation de Freud : Pulsion  →     angoisse     →   mécanisme de défense


Se substitue l’équation : Conscience des enjeux ultimes  →    angoisse   →   mécanisme de défense


Pour Yalom, l’angoisse veut devenir une peur. Nous passons de l’angoisse du rien, traumatisante à une peur de quelque chose pour laquelle nous pouvons mettre en place des mécanismes de protection.


Il raconte  son expérience lors d’un accident de voiture  Il allait à un congrès, il a eu un accident. Le congrès s’est ensuite bien passé. Mais dans les mois qui ont suivi, il s’est mis à ne plus vouloir aller diner avec ses collègues alors que jusqu’à présent, c’était une joie pour lui. Il éprouvait une angoisse considérable.  Aurait-il des choses intéressantes à dire, allait-il se ridiculiser ? Il a cherché à quel moment cette angoisse avait commencé. Il en a déduit qu’il avait géré l’intense angoisse de mort qui l’avait saisi lors de l’accident en la déplaçant à une situation plus commode. Son angoisse de mort originelle avait été transformée en enjeux mineurs comme l’estime de soi, la peur du rejet ou l’humiliation. Une fois qu’il a eu compris, l’angoisse n’a pas complètement disparu. Il a dépassé sa peur des déjeuners, mais il éprouvait des peurs nouvelles comme conduire, ou faire du vélo. Des mois plus tard, il se montra très timoré pour faire du ski. Outre ces peurs, il eut un autre changement : le monde entier lui paraissait précaire.  Il expérimenta ce qu’Heidegger qualifiait d’étrangeté, cette expérience de ne pas être chez soi dans le monde et qu’il considérait comme l’une des conséquences typiques de la conscience de la mort.


Afin de perdre de sa toxicité, l’angoisse originelle se voit toujours transformée par le biais de nos mécanismes de défense psychique dont c’est la fonction.


L’angoisse s’intensifie souvent lorsque la peur de quelque chose est appréhendée pour ce qu’elle est véritablement, à savoir la peur du néant.


L’ approche psychothérapeutique  inclut très rarement le concept de mort. Quand quelqu’un a peur de la mort, on trouve des explications. Or la personne a peut-être tout simplement peur de la mort.
Une vingtaine de pages sont consacrés à Freud et son évitement de la mort.


Pour quelles raisons
, Freud exclut-il la mort de la théorie psycho-dynamique ? Yalom y consacre plusieurs pages démonstratives et critiques avant d’en donner deux raisons (assez sévères):
    1.    Un modèle théorique dépassé du comportement humain (dualisme pulsion)
    2.    Une quête effrénée de gloire personnelle
La personne qui a exercé le plus d’influence sur Freud est Ernst Brücke, son professeur de physiologie pendant ses études de médecine. Brücke exerçait une influence considérable sur l’école de biologie fondée par Hermann von Helmholtz. Le postulat : seules les forces physiques et chimiques à l’exclusion de toute  autre, agissent dans l’organisme. L’homme est donc une machine soumise à des forces.
Freud s’emploie à appliquer le modèle helmholtzien mécaniste de l’organisme à sa théorie du fonctionnement psychique. Comme il le reconnait à 70 ans :  « ma vie n’a eu qu’un seul but : inférer ou deviner la façon dont l’organisme psychique est construit et découvrir quelles forces jouent ou se contrarient en lui. »
Yalom dit que lorsque un homme prétend donner une théorie sur le comportement humain à  partir de son auto-analyse : cela vaut le coup d’étudier la vie de cet homme. Il ajoute qu’heureusement  on en sait probablement plus sur la personne de Freud que sur toute autre figure historique moderne à  l’exception possible de Woody Allen.
Pour Yalom, l’importance du concept de mort chez les enfants est sous estimé
.
Les enfants se préoccupent tôt de  la mort (qui constitue l’énigme suprême), à un âge généralement plus précoce qu’on ne le pense. L’une des taches majeures du développement consiste à  gérer les peurs relatives à la vulnérabilité et à l’anéantissement alors que les problématiques sexuelles sont secondaires et font office de dérivatif.
Les enfants passent par des stades successifs de perception de la mort et des modalités de gestion de cette peur.
Les stratégies des enfants se fondent systématiquement sur le déni. Il semble que nous ne grandissions pas ou peut être qu’il nous est impossible de grandir en acceptant les faits bruts de la vie et de la mort.
Mélanie Klein
 :  le très jeune enfant entretient une relation intime avec la mort, bien antérieure à sa connaissance du concept.
Elle accepte la seconde théorie freudienne de 1923, relative à la pulsion de mort consciente et universelle, mais affirme que pour survivre l’être humain doit également développer une peur opposée, la peur de perdre la vie. Pour Klein, la peur de la mort constitue la source d’angoisse originaire, les angoisses sexuelles et celles générées par le surmoi surviennent dans un deuxième temps et constituent des phénomènes de dérivation.
Dans la mythologie grecque, La mort Thanatos et le sommeil Hypnos sont frères jumeaux. Cette association n’est pas sans implication en matières de troubles du sommeil. De nombreux cliniciens ont émis l’hypothèse que la peur de la mort constitue un facteur important de l’isnomnie, chez les adultes comme chez les enfants.

Le déni
 : les deux principaux remparts contre la mort.
Le postulat est que bien, que le déni de la mort soit omniprésent et que les formes spécifiques du déni de la mort varient, il en existe deux modalités principales : la croyance en la particularité personnelle et celle en un sauveur ultime.
    •    « je suis quelqu’un de spécial ». La croyance, fortement enracinée de sa propre inviolabilité. Enfant comme adulte, nous nous accrochons à la croyance irrationnelle que les limitations, la vieillesse, la mort concernent peut-être les autres, mais pas nous, pas moi. A un niveau profond, chacun est persuadé de sa propre invulnérabilité. Les racines de cette croyance remonte à l’aube de notre vie, où nous sommes l’univers et où Il n’existe aucune limite entre soi et les autres êtres ou objets.

    •    « Le sauveur ultime ». Un sauveur qui veille sur nous . Cette croyance remonte aussi aux débuts de la vie où les parents veillent.
La mort est peu présente dans la psychologie dynamique
. Pour Yalom c’est du à un processus massif de refoulement qui découle de la tentative de l’humanité (à laquelle appartiennent les chercheurs et les théoriciens du comportement) de nier la mort, dans leur vie personnelle comme dans leur travail.
Le paradigme existentiel se fonde sur l’hypothèse que l’angoisse  émerge lorsqu’un sujet se confronte aux enjeux ultimes de l’existence. Par définition, la psychopathologie  constitue un modèle de défense inefficace.
Paul Tillich : « la névrose est le moyen d’éviter le non-être en évitant l’être »
Très rarement on voit l’angoisse de mort primaire. Par exemple, un individu peut se protéger de l’angoisse de mort inhérente à l’individuation en maintenant un lien symbiotique à la mère.
L’angoisse de mort n’est pas immédiatement perceptible pour le clinicien, mais se décèle par un travail sur les rêves, les fantasmes, les éventuels épisodes psychotiques ou encore l’analyse minutieuse du déclenchement des symptômes névrotiques.
La phobie initialement c’est une angoisse de mort. Ensuite on l’habille.
Yalom prend l’exemple de deux patients
 qui avaient un mécanisme de défense opposé, chaque cas éclaire la dynamique de l’autre.
Mike croyait intimement en sa particularité et en son inviolabilité. Sam avait foi en un sauveur ultime.
Mike possédait un sens hypertrophié de l’autosuffisance alors que Sam, seul, n’existait pas et cherchait à fusionner avec l’autre.
Radicalement opposées sans s’exclure pour autant mutuellement, ces deux modalités constituent une dialectique utile permettant au clinicien de comprendre une grande diversité de situations cliniques.
Ces deux croyances (particularité et sauveur ultime) peuvent se révéler hautement adaptatives. les deux peuvent être surinvesties jusqu’à ne plus remplir leur caractère adaptatif et à laisser passer l’angoisse. Le sujet est alors contraint à des mesures extrêmes pour se protéger et qui entrainent des manifestations psychopathologiques se traduisant par une rupture ou une surenchère de ces défenses.
Ces deux systèmes de défense se retrouvent dans toutes les structures de personnalité. Chacun possède un peu des deux.
Le sentiment de particularité (être « spécial ») est très bien décrit par Tolstoï dans les propos qu’il prête à Ivan Illitch.
Nous ne sommes qu’un parmi tant d’autres : l’univers ne nous reconnait pas de particularités. Les dés sont pipés, certaines dimensions immuables de l’existence sont au-delà de notre influence. En fait, ce que nous souhaitons « n’entre absolument pas en ligne de compte ».
La croyance en la particularité personnelle possède un caractère hautement adaptatif.
Yalom analyse d’autres réactions de défenses adaptatives

    •    L’héroïsme compulsif : style Hemingway
    •    Le bourreau du travail : Un des traits les plus frappants est la  croyance implicite « qu’il avance » et « qu’il progresse ». Le temps constitue un ennemi, il menace l’un des fondements de l’illusion de la particularité : la croyance dans le fait d’avancer éternellement. Le mode de vie du bourreau de travail est compulsif et dysfonctionnel. Le bourreau du travail s’applique, non parce qu’il le veut, mais parce qu’il le doit. Il n’est pas rare qu’il se pousse sans pitié et sans considération des limites humaines. Une lutte acharnée contre la montre peut traduire une angoisse de mort puissante.
Tolstoï dans « Anna Karénine » :  » Ce gouffre était pour lui la vie réelle et le pont l’existence artificielle qu’il avait seule connue jusqu’alors. »
Cette défense lorsqu’elle fonctionne, protège le sujet de la conscience de ce gouffre. Lorsque le pont est rompu, la défense échoue, nous exposant à une vérité et une terreur auxquelles une personne en milieu de vie, après des dizaines d’années d’aveuglement, est peu préparée à affronter.
    •    Le narcissisme
 : La structure de personnalité narcissique se remarque davantage en thérapie de groupe qu’en thérapie individuelle.  En thérapie individuelle, tout est donné au patient et peu de réciproque attendue.  En revanche en groupe, on attend qu’il éprouve de l’empathie pour les autres. Sans relâche, le thérapeute doit essayer de faire comprendre au narcissique que ses attentes ne sont légitimes que les premiers mois de la vie lorsque le nourrisson attend de la mère un amour inconditionnel sans réciprocité.
La particularité comme mode principal de transcendance de la mort se décline dans toute une palette de formes inadaptées dont la soif du pouvoir.
Le choix d’une profession impliquant de près ou de loin le contact avec la mort (Médecins, militaire, prêtre) serait en partie motivé par le besoins de contrôler l’angoisse de la mort.
Lorsque la terreur est particulièrement forte, la pulsion agressive n’est pas contenue par la sublimation pacifique et s’intensifie pour se traduire le plus fréquemment par de l’arrogance et de l’agressivité.
Rank écrit que la crainte de la mort du moi se trouve apaisée par le meurtre et le sacrifice de l’autre; par la mort de l’autre, on se rachète de la peine de mourir et d’être tué.
D’une manière générale, la défense du sauveur ultime se révèle moins efficace que la croyance en la particularité personnelle, d’une part parce qu’elle est susceptible de s’effondrer, d’autre part parce qu’elle plus limitante intrinsèquement pour la personne.
Yalom dit qu’il a vu chez bon nombre de ses patients la stratégie suivante : essayer d’esquiver la mort en refusant de vivre.
Il y aussi comme  stratégies adaptatives de déni : Conquérir le temps, le fixer de manière permanente en restant éternellement un ou une enfant.
Un des axiomes de la thérapie de groupe postule que les participants déploient dans l’ici et maintenant du groupe leurs défenses internes dans leurs interactions avec les autres. Une vie articulée autour de « l’autre dominant » se conçoit come une tentative de fusionner avec l’autre appréhendé comme source de protection et pourvoyeur de sens de la vie.
Cas concret d’une patiente : Comme de nombreux patients névrosés
, elle ne vivait pas réellement dans le passé, mais tentait de retrouver le passé (c’est-à-dire  la relation réconfortante à la mère) dans le futur.
Elle avait la terreur d’être seule
 : ce qui rendait terrifiante sa solitude était l’absence de cet autre magique et puissant au-dessus de nous, qui nous observe, anticipe nos besoins, offre à chacun de nous un bouclier contre notre destin, la mort.
La plupart des gens se défendent de l’angoisse de mort simultanément via la croyance illusoire en leur inviolabilité et une croyance en l’existence d’un sauveur ultime.
La personne avance dans la vie entre ses deux pôles de peur : la peur de vivre et la peur de mourir.
La tentative d’apaiser l’angoisse d’individuation
 par la fusion sexuelle se révèle courante.
La tâche visant à satisfaire deux besoins : séparation et autonomie d’une part et protection et fusion d’autre part et la confrontation aux angoisses correspondantes constitue une dialectique à laquelle nous sommes confrontés toute notre vie.
Un comportement devient « névrotique » lorsqu’il est extrême et rigide.
Le névrosé refuse l’emprunt de la vie pour échapper à la dette de la mort. Il se libère de la peur de la mort via une autodestruction quotidienne partielle.
Une personne « dépendante » tend à développer un transfert rapide et hautement positif envers le thérapeute et à se sentir mieux plus rapidement qu’un patient « indépendant ». Un patient « dépendant » tend à « fusionner » avec le thérapeute. Les thérapeutes « dépendants » favorisent les relations personnelles et mutuelles avec leurs patients.
Davantage de personnes entreprennent une thérapie à la suite de l’échec de la défense du sauveur ultime (besoins de dépendance, faible estime de soi, mépris de soi, vulnérabilité, tendance masochiste, dépression à la suite de la perte ou de la menace de la perte de l’autre dominant) qu’en raison d’un effondrement de la défense de particularité personnelle.
La défense constituée par la croyance en un sauveur ultime paraît intrinsèquement limitée.
Le névrosé  occulte le présent en tentant de retrouver le passé dans l’avenir.
Le présent et non le futur constitue le temps de l’éternité.  Un patient  découvrit avec étonnement qu’il pouvait choisir de ne pas faire les choses dont il n’avait pas envie.
Nous pouvons changer notre vie jusqu’au dernier moment mais uniquement jusque-là.
Yalom cite Nietzsche
: on revient régénéré de tels abimes, d’une aussi dure consomption, de la consomption du lourd soupçon, en ayant fait peau neuve, plus chatouilleux, plus méchant, avec un gout plus fin de la joie, avec une langue plus délicate pour toutes les bonnes choses, avec des sons plus joyeux, avec une seconde et plus dangereuse innocence dans la joie, à la fois plus enfant et cent fois plus raffiné qu’on ne l’a jamais été auparavant…
L’angoisse constitue un signal indiquant qu’une personne se sent menacée quant à la poursuite de son existence.
Grâce à la thérapie, une patiente  accéda à l’espace
 qu’Heidegger décrit comme celui de l’être authentique : elle s’émerveillait non de la manière dont les choses étaient mais simplement qu’elles soient.
Une fois les parents disparus, plus rien n’existe entre nous et la tombe. Au contraire, nous devenons nous-mêmes la barrière entre nos enfants et la mort.
La perte d’un enfant est souvent la plus grande perte qui puisse nous être infligée et nous portons simultanément  le deuil de notre enfant et le notre.
Les parents s’insurgent contre l’injustice de l’univers pour bientôt comprendre que ce qui s’apparente à de l’injustice est en fait de l’indifférence cosmique.
La perte d’un enfant possède une autre implication majeure pour les parents : elle traduit l’échec de leur principal projet d’immortalité. Ils seront oubliés, leur graine ne prendra pas racine dans l’avenir.
Pour Yalom, on est toujours dans le déni de la mort. Il a suivi des patients en fin de vie, notamment pour appliquer ce qu’il apprendrait à des patients en bonne santé.
Il donne beaucoup d’exemples concrets et constate qu’aucune relation n’est éternelle. « Karen passa à une nouvelle phase de sa thérapie : l’acceptation de la fin ».
Après confrontation dans des groupes de cancéreux
, une patiente écrit  » Tout d’abord ces femmes atteintes de cancer du sein n’ont pas besoin, je crois, qu’on leur rappelle l’inévitabilité de la mort. … la vie est précieuse, il ne faut pas la gâcher ! tirer le maximum de chaque journée, d’une façon qui fasse sens ! repenser ses valeurs ! réévaluer ses priorités ! ne plus remettre à plus tard ! faire !
Une autre patiente : Moi j’ai perdu du  temps. De temps à autre, il m’arrivait de ressentir très fortement que je n’étais qu’une spectatrice ou qu’une doublure regardant la pièce de la vie se dérouler dans les coulisses, mais toujours j’espérais, toujours je croyais qu’un jour je serai sur scène. Bien entendu, il y eut des moments où j’eus l’impression de vivre intensément, mais plus souvent qu’à son tour la vie ne semblait qu’un répétition de la « vraie » vie qui m’attendait.
L’angoisse de la mort
, bien qu’elle soit omniprésente et possède de multiples ramifications existe aux niveaux les plus profonds de l’être, se voit massivement refoulée et n’est que rarement expérimentées pleinement.
L’angoisse tente de devenir de la peur. La peur a toujours un objet. La peur est un courant à la surface de l’être, qui ne menace pas les fondations.
Il est possible d’aborder la mort sur un plan intellectuel et dépassionné. Pourtant, cette perception adulte n’est nullement comparable à la terreur tapie dans l’inconscient, une terreur qui se constitue à un âge précoce, bien avant le développement de la  pensée conceptuelle, une terreur horrible, brute, qui existe en dehors de tous langage et de toute représentation.
Tous les thérapeutes recourent à un système explicatif.  Un système de croyances fournit aux thérapeutes un sentiment de sécurité. Un système de croyances accroit la confiance en soi et le sentiment de maitrise du thérapeute, ce qui encourage le patient à lui faire confiance, ressort essentiel du traitement.  Par ailleurs, ce système de croyance permet d’accroitre l’intérêt que porte le thérapeute à son patient. Pour Yalom, la recherche d’une explication causale historique  (pourquoi le patient en est-il arrivé là ?) constitue une mauvaise orientation du processus thérapeutique.
Pour le thérapeute, il existe un niveau optimal de certitudes. Trop peu et trop s’avèrent contre-productifs. Trop peu retarde la confiance nécessaire. Trop confine à de la rigidité. Le thérapeute rejette ou déforme alors des données qui ne cadrent pas avec son système. Par ailleurs, le thérapeute ce faisant, évite de se confronter et d’aider la patient à se confronter à l’un des concepts au cœur de l’approche  existentielle, à savoir que l’incertitude existe et que nous devons tous apprendre à vivre avec.
Alors que les thérapies brèves éludent généralement toute prise en compte explicite de l’angoisse de mort, une thérapie longue et approfondie serait incomplète sans un travail relatif à la conscience et à la peur de la mort. Tant qu’un patient continue à chercher à se protéger de la mort par la croyance infantile que le thérapeute l’en délivrera, le patient ne quittera pas son thérapeute. « tant que je reste avec vous, je ne mourrai pas » : tel est le refrain muet qui se fait si souvent entendre dans des étapes ultérieures de la thérapie.
Une patiente
 prit conscience que, par le passé, pour fuir son angoisse de la  mort, elle avait tenté de fusionner avec son thérapeute ou ses amis. Elle cessa d’avoir peur de la solitude et commença à sentir qu’il lui serait possible de vivre une vie satisfaisante, même sans le confort d’une relation de dépendance à l’égard d’un enfant ou d’un homme.
Un vieil adage affirme :  « celui qui porte sa propre lumière n’a pas peur du noir ».
L’approche thérapeutique de Yalom est dynamique
. Elle accroit l’inconfort du patient. Il est impossible d’explorer les racines de son angoisse sans pendant un certain temps, traverser une phase d’angoisse et de dépression accrues.
La perspective de la mort semble moins perturbante lorsque le patient à le sentiment d’avoir bien vécu. Un sentiment d’accomplissement et l’impression d’avoir bien vécu apaise la terreur de la mort.
La posture du thérapeute est toute trouvée : S’il peut aider le patient à expérimenter une plus grande satisfaction face à sa vie, il peut apaiser l’angoisse excessive.
L’angoisse de la mort excessive entraine chez le patient une vie plus restreinte, visant davantage la sécurité, la survie et l’apaisement de la souffrance que la croissance et l’accomplissement de soi. Yalom raconte l’histoire de Philip qui croyait en sa particularité et qui évolua :  « Il ne voyait plus le temps comme un ennemi devant être caché ou vaincu ». Désormais, avec des jours entiers libres, Philip  commença à savourer le temps et à s’en délecter. Philipe apprit en effet qu’une vie vouée à la dissimulation de la réalité, au déni de la mort, limite l’expérience et finit toujours par s’effondrer sur soi.
« Désensibilisation à la mort » : Techniques similaires à  celles employées pour apprivoiser les autres formes de terreur, en exposant la patient encore et toujours à cette terreur, à dose homéopathique, lui permettant de se familiariser avec l’objet redouté et de l’inspecter sous toutes ses formes.  Le patient contacte de manière répétée sa terreur jusqu’à ce qu’elle disparaisse progressivement par le simple processus d’apprivoisement et de familiarité.

Partie 2 : la liberté


La liberté sera traité sous l’angle clinicien : la liberté du sujet à créer sa propre vie et la liberté du sujet de désirer, choisir, agir, et aspect essentiel en psychothérapie : changer.
La responsabilité : être conscient de sa responsabilité, c’est être conscient d’être le créateur de son self, de son destin, de ses situations de vie difficiles, de ses émotions et le cas échéant de sa souffrance.
Pour le patient qui n’assume pas sa responsabilité et qui continue de blâmer les autres pour sa dysphorie
 (personnes ou autres forces externes), aucune véritable thérapie n’est possible. On retrouve la règle E de la L.E.
Au niveau le plus profond, la responsabilité est synonyme d’existence.
Dans « la  nausée », Sartre écrit  l’un des passages les plus brillants de la littérature moderne. Il décrit ce moment d’illumination : la découverte de la responsabilité.
Le monde n’acquiert de sens que par l’acte créatif opéré par l’être humain.
Chez Sartre il y a la notion de responsabilité et de liberté. Nous sommes entièrement responsables de notre vie, non seulement de nos actions mais de nos incapacités à agir.
La position sartrienne n’est pas sur la plan de la morale. Sartre ne dit pas ce que je devrai faire, il affirme que ce que je fais est de ma responsabilité. « Un individu est la somme de ses actes. »
Yalom fait également référence au  Dasein d’Heidegger : « être là »
Je crée mon monde .
Le rôle central de la responsabilité dans les approches modernes de la psychothérapie
, ce n’est  pas un hasard. Entre l’époque de Freud et la notre, les symptômes ont évolué. Le patient d’aujourd’hui est davantage aux prises avec la liberté qu’avec des pulsions refoulées.
Yalom considère  le fait que le patient ne soit pas en mesure de définir le problème comme le problème.
L’atrophie des institutions sociales et psychologiques pourvoyeuses de structures nous conduit à nous confronter à l’enjeu de la liberté.
Nous sommes plus proches que par le passé d’une expérience des faits existentiels de la vie.  Nous n’y sommes pas préparés. Le poids se fait trop lourd, l’angoisse cherche à être soulagée. Sur le plan individuel et social, nous nous engageons dans une quête frénétique cherchant à nous protéger de la liberté.
Les défenses qui protègent la personne de la prise de conscience de sa responsabilité :  compulsion (le sujet n’expérimente pas la liberté mais existe sous l’emprise d’une force irrésistible étrangère au moi), délégation de la responsabilité, déni de cette responsabilité, évitement de l’autonomie,  pathologie décisionnelle.
Tant qu’une personne croit que sa situation et sa dysphorie sont causes par un tiers ou une force extérieure quelconque, quel sens cela a pour elle de s’engager dans un  processus de changement individuel ?
Les stratégies mises en place pour éviter la prise de conscience de cette responsabilité rivalisent  d’ingéniosité.
Problèmes  non résolus avec sa mère :  Comme souvent dans ce genre d’explications génétiques, cela sert davantage de prétexte à l’évitement de la responsabilité que de catalyseur de changement.
Les patients paranoïdes déplacent la responsabilité sur d’autres personnes et forces. L’objectif thérapeutique souvent impossible à atteindre consiste à les aider à accepter la paternité de leurs projections.
L’acceptation de sa propre responsabilité résulte aussi de l’abandon de la croyance en un sauveur ultime.
Lorsque nous désirons et décidons en pleine conscience nous sommes confrontés à notre responsabilité.
Nous nous créons nous mêmes. Le désir et la décision  constituent des briques de cette création.
Le thérapeute
 doit considérer que le patient est l’auteur de sa souffrance (règle E).
Le thérapeute doit trouver les modalités pour  transmettre ses informations au patient ( le rôle qu’il joue dans sa propre souffrance). La motivation à changer ne peut survenir tant que le patient n’a pas pris conscience qu’il a créé lui même sa dysphorie.
Yalom prend des exemples qu’on retrouve en L.E.
    •    Inviter le patient à s’approprier ce qui lui arrive
    •    « Il me tape sur les nerfs » devient « je le laisse me taper sur les nerfs »
    •    Substituer « je ne veux pas  » à   » je ne peux pas « 

Le principe général est le suivant : toutes les fois que le patient se lamente sur sa vie, le thérapeute l’interroge sur la façon dont il s’y est pris pour créer la situation.
En règle générale nos vies deviennent si structurées que la tentation est grande de considérer cette structure comme un fait établi, comme un bâtiment construit plutôt que comme une toile que nous avons nous même tissée et qui peut être retissée suivant un nombre infini de motifs.
Le déroulement d’une psychothérapie peut être structuré  autour du seul objectif d’amener le patient à prendre conscience de sa responsabilité.
On analyse le comportement du patient pendant sa thérapie. Les seules exhortations à se prendre en charge ne suffisent pas.

La responsabilité de l’ici et maintenant
 :
Le patient n’est pas un observateur objectif de sa souffrance de vie.
« Tout cela est bien beau mais vous ne mesurez pas à que point mon chef est horrible », etc…
Faire travailler le patient dans l’ici et maintenant est encore meilleur s’il y a en séance des situations qui ressemblent à  celles qui font souffrir le patient.
Le thérapeute peut aider le patient à prendre conscience de sa responsabilité dans tel ou tel comportement avant que ce dernier soit brouillé par des mécanismes de défense.
Doris se plaint  de ne rencontrer que des hommes abusifs mais fait tout pour les provoquer. Elle  fait tout pour susciter le comportement qu’elle redoute le plus.
Pour un thérapeute, la conscience de ses propres émotions constitue l’instruction  la plus importante pour identifier le rôle joué par un patient dans sa souffrance.
Les patients souvent avec la collusion silencieuse du thérapeute peuvent rester de façon confortable passive et permanente en thérapie. Leur poser la  question : « pourquoi venez vous ? »
« S’aider elle même, devenir sa propre mère la terrifiait car ce faisant elle se confrontait au savoir terrifiant qu’elle était libre responsable et fondamentalement seule « 
.
Dans un groupe, le participant est responsable de la manière dont les autres le voient, le traitent, le considèrent. En outre chacun est responsable du regard qu’il a sur lui-même.
Fritz Perls,( gestalt-thérapie)
 : Tant que vous combattez un symptôme, il empire.
Si vous assumez la responsabilité de ce que vous faites, de la manière dont vous produisez vos symptômes, votre maladie, votre existence, le processus de croissance et d’intégration débute.
L’approche de Perls se fonde sur le concept fondamental que l’évitement de la responsabilité doit être identifié et découragé.
Yalom cite également les approches de Victor Frankl,  Paul Watzlawick .
Perls était pleinement conscient des efforts réalisés par le patient pour manipuler les autres à commencer par le thérapeute afin que ceux ci s’occupent de lui.
Le thérapeute se retrouve face à 3 tâches immédiates :
    •    Identifier de quelle manière le patient tente d’obtenir du soutien de la part des autres au lieu de se le procurer lui même
    •    Eviter de se laisser absorber
    •    Et savoir que faire du comportement manipulateur du patient
Se confronter à  sa responsabilité
 nécessite une certaine force au niveau du moi pour se confronter à sa situation existentielle et à l’angoisse qui en résulte.
L’attitude que nous adoptons envers ce que nous vivons constitue le point essentiel de ce qui fait de nous des êtres humains.
Nous sommes responsables de ce que nous faisons de nos handicaps, de notre attitude envers eux, de ĺ amertume,  de la colère,  de la dépression.
Lien entre responsabilité et culpabilité : Nous sommes toujours coupables au sens où nous avons failli à l’accomplissement de notre possible authentique.
Lorsqu’une personne nie ses potentialités
,  ne les réalise pas, elle expérimente la culpabilité. Le sujet qui ne vit pas pleinement éprouve un sentiment profond et puissant de culpabilité existentielle.
Le vouloir
 :
Importance de l’action. L’action s’étend au-delà du sujet. Elle implique une inter-action entre le sujet et son environnement physique ou inter-personnel. L’action ne requiert pas nécessairement de mouvement flagrant ni même observable. Un geste ou un regard à peine esquissé vers un tiers peuvent constituer une action d’une importance cruciale. 
La thérapie ne peut produire un changement de personnalité que dans la mesure où elle conduit le patient à adopter un nouveau mode comportemental.
Le thérapeute se doit de courtiser l’action. Le problème est qu’il n’est pas formé pour.
Que se passe-t-il une fois que le patient a pris conscience qu’il est seul responsable des souffrances de sa vie ? La volonté ne suffit pas pour changer de monde.
 Otto Rank,  disciple de Freud, mais rupture en 1929. Il trouve le modèle de Freud trop déterministe.
Rank a travaillé sur  la volonté : Il n’est pas d’accord avec le postulat que l’inconscient, à l’instar de dieu, libère l’homme de sa responsabilité.
Faber
suggère que les choix de vie importants ne sont pas expérimentés consciemment comme des choix. 
Faber  dit qu’il y a deux sphères de volonté : la première sphère n’est pas élaborée de manière consciente pendant une action et doit être interférée après un évènement. Cette sphère peut être qualifiée d’inconsciente. Faber
suggère que les choix de vie importants ne sont pas expérimentés consciemment comme des choix.  En fait ce n’est qu’après que nous sommes en mesure de mesurer que nous avons effectivement fait un choix.
La seconde sphère est représentée par sa composante consciente. Elle est expérimentée pendant l’évènement.
A ces deux sphères de la volonté correspondent deux approches différentes en thérapie. La sphère consciente (le seconde) répond aux exhortations et aux appels, à l’effort et à la détermination. La première reste sourde à ces injonctions et requiert une approche indirecte : Nous pouvons voir un parallèle entre cerveau reptilien et cerveau cognitif.
« Je peux vouloir la connaissance, mais pas la sagesse; aller me coucher mais non dormir, manger mais non avoir faim, la rigueur mais non la vertu, etc… »
Le désir précède la volonté. Le désir sans volonté est puéril, la volonté sans désir est sèche. Le désir amorce les choses que le choix met en acte.
Le changement (l’action) constitue l’objectif du thérapeute. L’action responsable est déclenchée par le désir.  Nous ne pouvons agir pour nous mêmes que si nous avons accès a nos désirs.

L’incapacité à ressentir

Le thérapeute reçoit des patients qui sont incapables de ressentir ou d’exprimer leurs émotions par des mots. Ils ne peuvent localiser leurs émotions dans leur corps.  Le terme Alexithymie (absence de mots pour exprimer ses émotions) est utilisé pour qualifier ce tableau clinique.
Notre capacité à désirer se voit améliorer par une plus grande aptitude à  ressentir.  Pour désirer, il faut être en mesure de ressentir.
Fritz Perls
: lâchez la tête et ouvrez-vous à vos sensations. L’accroissement de la sensibilisation à soi était au cœur de la démarche de Perls. Perls travaillait uniquement au présent, les névrosés, selon lui, vivant trop dans le passé. Perls démarrait sur la sensibilisation à soi pour poursuivre vers le désir.
Pour Yalom, si le thérapeute se limitait à 3 questions, il obtiendrait des résultats probants avec tous ses patients, à l’exception des plus perturbés.
    •    Que faites-vous ?
    •    Que ressentez-vous ?
    •    Que voulez-vous ?
Un trouble du désir ne conduit pas nécessairement à l’inhibition et à l’impulsivité. Une personne qui réagit immédiatement à la moindre impulsion se trouve tout autant dans l’évitement du désir que celle qui réprime ou refoule ses désirs.
La tâche du thérapeute est d’aider le patient impulsif à transformer l’ambivalence séquentielle en ambivalence simultanée. Le ressenti sur un mode séquentiel de désirs conflictuels constitue une défense contre l’angoisse. La tentation est d’aider le patient à choisir, mais il ne faut pas, il faut  le laisser se confronter à ses désirs contradictoires et le laisser choisir.
La compulsion, défense contre la prise de conscience de la responsabilité, constitue également un trouble du désir.
La décision forme un pont entre désir et action.
Le changement thérapeutique ne consiste pas en une seule décision délibérée cruciale mais en un processus graduel composé de décisions multiples, chacune ouvrant la voie à la suivante.
Pour chaque oui, il y a un non.  Décider d’une chose implique toujours de renoncer à une autre.
Les décisions se révèlent très coûteuses : elles vous coûtent tout le reste.
Les décisions sont douloureuses parce qu’elles signifient la limitation des possibilités et plus nos possibilités sont limitées,  plus nous nous rapprochons de la mort.
La réalité de la limite constitue une menace à l’un de nos principaux modes de gestion de l’angoisse existentielle : l’illusion de la particularité qui nous portent à croire que bien que les autres aient des limites, nous en sommes exempts, nous sommes particuliers en dehors des lois naturelles.
« Immobiles au croisement, incapables de choisir un chemin parce qu’ils ne peuvent suivre les deux… »  : Excellente description du sujet incapable de renoncer à une possibilité.
Décider est un acte solitaire.

Décision et culpabilité
 :
Les impulsions de l’enfant rencontrent l’opposition du monde adulte : la volonté de l’enfant se manifeste tout d’abord comme opposition à cette opposition. Si l’enfant a la malchance d’avoir des parents qui tentent de réduire au silence cette expression impulsive, il est alors terrassé par la culpabilité et appréhende toutes les décisions comme mauvaises et interdites. Devenue adulte, cette personne ne peut décider, car elle ne se sent pas le droit de décider.
Le meilleur moyen, peut-être le seul, de gérer la culpabilité issue de la maltraitance d’un autre ou de soi est l’expiation. Il est impossible de vouloir à rebours. Il n’est possible d’expier le passé qu’en changeant l’avenir.
La procrastination constitue la stratégie   d’évitement la plus évidente.
Composantes douloureuses de la décision : renoncement, angoisse, culpabilité.
On érige des défenses contre ces menaces : notamment que la décision soit prise par un tiers. Yalom prend l’exemple d’une patiente nommée Alice. Sa brève thérapie fut efficace. Pourtant, elle laissa passer une opportunité de croissance en évitant les implications les plus profondes de  sa décision. Elle attirait pu se confronter à sa peur de la solitude, à son incapacité à envisager  sa vie sous un mode autonome  et sa propension à s’abandonner à l’homme dominant.
Éric Fromm
  a souligné à quel point l’attitude des êtres humains envers la liberté était ambivalente. Bien qu’ils luttent farouchement pour la liberté, ils se précipitent, lorsque l’occasion leur en est donnée, de l’abdiquer devant un régime totalitaire qui les décharge du poids de la liberté et de la décision.
Le leader charismatique capable de prendre les décisions en un éclair et avec confiance n’a aucune difficulté à recruter des troupes.
Pour manipuler le thérapeute, le patient peut exagérer sa vulnérabilité ou dissimuler sa force.
Lorsqu’on prend part à une décision on prend une responsabilité dans les implications de cette décision,  ce qui n’est pas le cas d’une décision imposée de l’extérieur.
Yalom cite le livre « l’homme-dé » de Luke Rhinehart  où le protagoniste prend la décision fondamentale de s’en remettre aux dés pour toutes les autres décisions.
La tâche du thérapeute n’est pas de créer de la volonté mais de la désentraver .
Nous ne pouvons pas ne pas décider. Les décisions passives ont un prix fort   en terme d’estime de soi. Pour s’aimer soi même, il est indispensable de se comporter de manière à pouvoir s’admirer soi-même.
Si le patient est incapable de se tenir à sa décision, on peut faire l’hypothèse que le patient a pris une autre décision.
Bénéfices de l’addiction : soulagement de l’angoisse, euphorie, dégagement de la responsabilité.
Chaque personne a le pouvoir de changer. Une relation patient thérapeute bienveillante et fondée sur la confiance joue un rôle crucial dans le processus de changement. Le patient trouve une gratification de voir son monde intérieur examiné,  le thérapeute est séduit par le défi intellectuel. Pendant ce temps, le véritable agent du changement, la relation thérapeutique germe en silence.
Le processus « Volonté, décision, action » peut prendre des années.  Ce qui est important c’est que « l’insight « soit dans le cadre de référence  du patient.  Cela peut être une explication astrologique. L’important est qu’il y ait changement favorable. Cela  pose des questions sur la notion de  vérité.
Il n’y a pas besoin de connaître l’origine du comportement
.
Yalom prend l’exemple de quelqu’un qui agresse les autres. Cela peut être une réaction dissimulant une couche de fort désir de dépendance qui se voir refoulé par l’anticipation du rejet. Cette explication n’a nullement besoin d’inclure la composante « comment le patient en est-il arrivé là ? »
Freud : « très souvent, on ne réussit pas à ce que le patient se rappelle le refoulé. En revanche, une analyse correctement mené le convainc fermement de la vérité de la construction, ce qui du point de vue thérapeutique, a le même effet qu’un souvenir retrouvé. « 
Le thérapeute adhérant à une doctrine déterministe est capable d’appréhender le passé de sorte à démontrer au patient qu’il a été victime d’évènements passés, que étant donnés les circonstances, il n’aurait pas pu agir différemment. Il y a une contradiction pour le thérapeute à absoudre le passé et invoquer la responsabilité pour l’avenir.
Une étude entre 10 thérapeutes freudiens et 10 analystes existentiels montra que les thérapeutes existentiels réalisaient beaucoup plus d’interventions soulignant les choix, la liberté et la responsabilité des patients.
Nombreux sont ceux à assumer une responsabilité et une culpabilité excessives pour les actions et les sentiments d’autres personnes. Bien que le patient puisse véritablement s’être livré à des transgressions envers un tiers, il convient de ne pas oublier la sphère de responsabilité de ce tiers qui se laissa blesser, mépriser ou maltraiter par le patient.
Outre que la justesse d’un système explicatif causal  ne soit pas démontré, il y a une autre difficulté d’ordre méthodologique : la réalité psychologique et la réalité historique sont distinctes. Le problème du passé est un problème de mémoire et donc de conscience. En d’autres termes, la passé est reconstitué par le présent.
L’exploration du passé vise à faciliter et à approfondir la relation présente, par opposition à la position freudienne où la relation présente sert à approfondir la compréhension du passé.
Partie 3 l’isolement

L’isolement existentiel

Le clinicien est confronté à trois types d’isolement :
    •    Inter-personnel :  en général éprouvé comme la solitude face aux autres
    •    Intra-personnel  : désigne le processus par lequel le sujet se coupe de partie de  lui-même. Le sujet accepte les « je dois » et se coupe de ses propres désirs.
    •    L’isolement existentiel renvoie à un abime infranchissable entre soi et un autre.
Ces formes d’isolement présentent des similitudes, peuvent renvoyer à des ressentis identiques et se cacher l’un l’autre.
Qu’est-ce que l’isolement existentiel ?
L’isolement existentiel est une « vallée de solitude » dont il est possible de s’approcher de maintes façons. Une confrontation à la mort et à la liberté conduit inévitablement l’être humain dans cette vallée.
Pour Erich Fromm
, l’isolement constitue la source principale de l’angoisse.
Cette solitude-vulnérabilité constitue une réponse émotionnelle compréhensible  au fait que nous sommes plongés, sans notre consentement,  dans une existence que nous n’avons pas choisi,  état qu’ Heidegger qualifie « d’être – jeté dans le monde ».
Outre nous constituer nous mêmes,  nous façonnons notre monde de telle sorte que nous nous dissimulons que nous l’avons créé .
Nous expérimentons seulement le monde du quotidien,  des activités routinières. Nous nous berçons dans un sentiment confortable et familier d’appartenance. Le vaste monde primitif du vide et de l’isolement est enfoui et réduit au silence et ne se rappelle à nous,  par brefs accès, que dans nos cauchemars et nos visions mythiques.
Camus dans « l’étranger » décrit l’un de ces moments.
Un patient de Yalom, cadre dirigeant à la carrière brillante raconte qu’il pris la décision de devenir célèbre et riche pour ne plus jamais ressentir ce sentiment : à douze ans, allongé en train de regarder le ciel nocturne, il se sentit soudain séparer de la terre mère « d’où venait-il ? », » d’où venait Dieu ? ». Il se sentit submergé par un sentiment d’isolement, de vulnérabilité et d’absence de fondement.
Robert Frost : »Ils ne m’effraient pas avec leurs espaces videsEntre les étoiles, étoiles privées de vieJe les ai en moi,  si prochesMes propres desserts, qui me terrifient »
Heidegger emploie le terme « d’étrangeté » pour qualifier cet état où nous perdons notre sentiment de familiarité avec le monde.
Lorsque nous (dasein), nous immergeons dans le monde familier de l’apparence et perdons contact avec notre situation existentielle, Heidegger considère que nous vivons dans le monde du « on »,  inauthentique.
Le verbe « exister »  implique la différenciation,  « ex-sistere » signifie littéralement « se détacher », « surgir ». Le processus de croissance et de maturité est un processus de séparation visant à faire de chacun un être séparé.
La vie humaine débute par la fusion d’un ovule et d’un spermatozoïde, passe par une période embryonnaire de dépendance physique totale à la mère, puis par une étape de dépendance physique et émotionnelle aux adultes de l’entourage.
Puis l’individu devient autonome,  séparé.  L’isolement constitue le prix à payer pour cette séparation et cette croissance.
Devenir une personne implique un isolement complet,  fondamental, éternel et insurmontable.
Le dilemme  « fusion-isolement » ou « attachement-séparation » constitue la tâche existentielle développementale majeure.
Isolement existentiel et isolement interpersonnel sont intimement liés. La peur de l’isolement existentiel constitue le moteur de nombre de relations inter-personnelles.
Nous devons apprendre à être en lien mais sans réduire l’autre à un outil ou à une défense contre cet isolement.
Pour Yalom, seule la confrontation à la solitude
  permet de nous engager pleinement dans un rapport à autrui.
L’approche de Yalom ne se centre pas sur les besoins de sécurité, d’attachement, de validation de soi, de satisfaction des désirs ou de pouvoir, mais sur l’analyse des relations dans leur dimension d’apaisement de l’isolement fondamental et universel.
Aucun rapport ne peut supprimer complètement l’isolement. Chacun de nous est seul dans l’existence. Toutefois, cette dimension de solitude peut être partagée de manière à ce que l’amour compense la souffrance de l’isolement.
Buber : « Il n’y a de grand rapport qu’entre véritables personnes ».
Tout système  explicatif du comportement postule l’existence d’un noyau conflictuel, recouvert de couches de mécanismes de protection et de dissimulation.
Une véritable relation implique des individus qui sont en lien avec l’autre dans une modalité qui ne vise pas à combler des besoins.
Pour être véritablement en lien avec l’autre, il est nécessaire de véritablement l’écouter, de renoncer à tous les stéréotypes et les anticipations par rapport à l’autre et s’autoriser à être modeler par la réaction de l autre. C’est proche de l’écoute résonnante en L.E.
La véritable ouverture
 à l’autre est très souvent remplacée par le monologue déguisé en dialogue.
Abraham Maslow a eu une influence immense sur la théorie psychologique moderne. Il est précurseur de la psychologie humaniste qui recoupe la psychologie existentielle en de nombreux points. Une des thèses principales de Maslow est que la motivation d’un individu est orienté soit vers la déficience soit vers la croissance. Si certains besoins psychologiques (sécurité, appartenance, identification, amour, respect, prestige) n’ont pas été assouvi, l’individu peut présenter des symptômes de déficience. Les personnes chez qui ces besoins sont satisfaits sont orientées vers la croissance et sont capables de réaliser le potentiel inné de maturité et d’actualisation de soi.
L’amour représente la meilleure option pour surmonter la souffrance inhérente à l’état d’être séparé.
    •    L’amour infantile suit le principe : j’aime parce que je suis aimé
    •    L’âme à maturité :  je suis aimé parce que j’aime
    •    L’amour inachevé ; je t’aime parce que j’ai besoin de toi
    •    L’amour accompli : j’ai besoin de toi parce que je t’aime
La conception de Fromm selon laquelle l’amour constitue un processus, non passif, mais bel et bien actif est d’une importance cruciale pour le clinicien. Les patients se plaignent de solitude, de ne pas être aimés et de ne pas être dignes d’amour, mais  le travail productif est toujours à accomplir dans la sphère opposée :  L incapacité à aimer. L’amour, c’est donner, non recevoir.  Un sujet présentant des tendances à recevoir, exploiter ou amasser se sentira diminué ou appauvri par le don. Un caractère mercantile se sentira trompé en donnant sans recevoir. Mais pour la personne accomplie et « productive », le don constitue une expression de force et d’abondance.
En donnant sans intention de recevoir, nous recevons . Dés lors que l’un donne, l’autre devient également un donneur. « Relation est réciprocité ».
Outre le don, l’amour accompli implique certains éléments fondamentaux : sollicitude, responsabilité, respect et connaissance.
Le clinicien devra s’attacher prioritairement à appréhender l’amour comme « attitude » (trait caractéristique de l’orientation au monde de celui qui aime), plutôt que comme relation envers un « objet » d’amour. Trop souvent, nous faisons l’erreur de considérer l’attachement exclusif à autrui comme une preuve de l’intensité et de la pureté de l’amour.
Une thérapie réussie,  c’est une thérapie qui se saisit de l’inattendu.
L’amour fraternel est, pour Fromm, la plus fondamentale de toutes les formes d’amour.
Caractéristiques d’une relation mature affranchie des besoins :
Eprouver de l’affection pour quelqu’un signifie :
    •    Etre en lien sur un mode désintéressé. L’affection mature prend sa source dans notre richesse intérieure, pas dans notre pauvreté,  dans la  croissance,  pas dans le besoin.
    •    Faire l’expérience de l’autre aussi pleinement que possible. Nous n’aimons pas parce que nous avons besoin de l’autre pour exister,  pour être entier, pour échapper à une solitude écrasante.
Celui qui aime d’amour mature a comblé ses besoins à d’autres moments,  d’autres manières,  l’une d’elle et non des moindres étant l’amour maternel éprouvé pendant les phases précoces de la vie.
Si nous ne parvenons pas à développer la force intérieure
,  le sentiment de valeur personnelle et l’identité stable grâce auxquels nous pouvons faire face à l’isolement existentiel et à assumer  l’angoisse, nous nous évertuerons sans relâche et de manière indirecte à trouver la sécurité.
Le sacrifice de soi est une autre variante: L’immersion dans un autre, dans une cause ou une passion procure un soulagement à notre angoisse d’isolement.
La personne névrosée n’est en relation qu’avec une partie d’elle-même, celle servant à affirmer son existence.
Aimer s’avère plus ardu qu’être aimé.
La fusion : Les personnes présentant une orientation majeure  vers la fusion sont généralement qualifiées de dépendantes. Elles vivent pour l’autre « dominant » (Et éprouveront vraisemblablement une détresse extraordinaire en cas de séparation d’avec cet autre dominant.
 ) Elles se ferment à leurs propres besoins, tentent de deviner les désirs des autres et de les faire leurs. Elles cherchent avant tout à éviter toute attaque. Elles privilégient la sécurité et la fusion au détriment de l’individuation.
Fusion et croyance en un sauveur ultime constituent deux modalités de protection contre l’angoisse par l’évitement de l’individuation.
Le sadisme
 : la personne en quête de fusion, qui se montre dépendante, supporte la douleur,  possède un homologue curieux. Celui qui cherche à dominer l’autre, à l’humilier, à infliger de la douleur, à devenir le maitre absolu de l’autre semble très éloigné de la personne dépendante en quête de fusion. Toutefois, comme le souligne Fromm « ces deux tendances résultent d’un même besoin fondamental et découlent de l’incapacité à tolérer l’isolement et la faiblesse de son propre moi ». L’individu sadique a besoin de son objet tout autant que le masochiste.  La différence entre le masochiste et le sadique se situe entre demandeur et receveur de cette fusion. L’un recherche la sécurité en se faisant avaler par l’autre, l’autre, en avalant.  Dans les deux cas, l’isolement existentiel se voit apaisé, soit par la perte de son état séparé et de son isolement ou par l’agrandissement de soi procuré par l’incorporation. Raison pour laquelle masochisme et sadisme oscillent souvent au sein du même individu : ils constituent des solutions différentes à un même problème.
Sexualité et isolement :  La sexualité peut être mise au service du refoulement de l’angoisse de mort. L’illusion du sexe offre quelque chose de profondément magique. Le sexe constitue une barrière puissante contre la conscience et l’angoisse de la liberté, dans la mesure où par le pouvoir qu’il exerce sur nous,  nous perdons tout sens que nous constituons notre monde.
La sexualité compulsive constitue une réponse courante à un sentiment d’isolement.
Toutes les relations d’une personne
 reflètent  les autres : il est rare qu’une personne établisse des relations sur un mode inauthentique avec certaines personnes et sur un mode authentique et aimant avec d’autres.
Une relation pleine et aimante  est une relation à un autre, non à une figure extérieure du passé ou du présent.
La relation personnelle entre le thérapeute et son patient se révèle cruciale pour le processus de changement
. Souvent le thérapeute sous-estime l’importance de ce facteur et sur-estime celle de ses contributions cognitives. Souvent le thérapeute évoque une figure d’autorité ( professeur, parent, employeur, juge).
S’il y a transfert et donc relation non authentique, le patient ne mobilise pas son soi véritable mais établit avec le thérapeute un lien de façon à fuir l’isolement et à réaliser la fusion .
Selon Kaiser, une thérapie réussie implique que le patient passe un temps suffisant avec une personne possédant certains traits de personnalité :
    •    Un intérêt pour autrui.
    •    Des conceptions théoriques psychothérapeutiques qui n’entravent pas son intérêt à aider le patient à communiquer librement.
    •    L’absence de schémas névrotiques qui nuiraient à l’établissement de la communication avec le patient.
    •    Une disposition mentale à la réceptivité, c’est-à-dire une capacité à sentir la duplicité outre les mécanismes de non-communication chez le patient.
Peut être que le plus important
 est que le thérapeute est souvent la seule personne qui connaît véritablement le patient.  Confier nos peines, nos côtés sombres et continuer à être accepter par cette personne est une expérience structurante.
Le thérapeute aide le patient à comprendre qu’il est l’auteur et le responsable de ses souffrances  et que lui seul peut les changer.
Le thérapeute est capable d’être là ou il se trouve et là où le patient se trouve. Le patient ne peut être que là où il se trouve.
Le thérapeute mature éprouvera de la sollicitude pour son patient en dépit de la rébellion, du narcissisme, de la dépression etc.  Il éprouvera de la sollicitude à cause de ces expressions,  dans la mesure où elles reflètent l’immense besoin de sollicitude du patient.
Une affection authentique pour autrui signifie éprouver de la sollicitude pour la croissance de l’autre et de donner vie à quelque chose à l’intérieur de lui.
Le thérapeute peut être appréhendé comme une sage femme accouchant le patient de sa vie non encore vécue.
Attitude souhaitée chez le thérapeute :
    •    Empathie, authenticité
    •    Estime positive inconditionnelle
Pour un thérapeute existentiel, lorsque la technique est mise en avant, tout est perdu. L’essence même de la relation authentique est d’être exempte de toute manipulation et de constituer un élan vers l’autre émanant de tout son être.
La tâche principale du thérapeute mature est d’apprendre à tolérer l’incertitude.
Le thérapeute doit se dévoiler en tant que personne, il ne peut rester détaché, passif et caché. C’est la relation qui soigne. Les thérapeutes efficaces réagissent envers leurs patients sur un mode authentique. Ils établissent une relation que le patient perçoit comme sécurisée et acceptante.
Il n’est pas prouvé que le dévoilement et la compréhension du passé soient facteurs de changement en thérapie
.
Freud croyait ( croyance partagée par la grande majorité des psychanalystes contemporains) que l’ analyse du transfert était la tâche majeure du thérapeute. Freud concevait le transfert comme une représentation vivante des expériences précoces d’un patient,  trop précoces pour être pleinement accessibles à la mémoire.  Cette logique fait du thérapeute un écran blanc.
Ferenczi,  un des premiers et des plus loyaux disciples de Freud, disait que la posture détachée  nuisait à l’efficacité thérapeutique.
L’une des caractéristiques principales de « l’éros psycho-thérapeutique » est la sollicitude aimante pour le devenir de l’autre.
Les thérapeutes doivent garder pour eux certaines choses, ne rien dire qui puisse être destructeur pour le patient, respecter soigneusement le rythme de la thérapie et celui du patient, déterminer ce qu’un patient est prêt ou non à entendre.
Le patient
 n’a qu’un seul thérapeute, qui lui a plusieurs patients.
Le thérapeute est beaucoup plus important pour le patient que le patient ne l’est pour le thérapeute.  Une seule réponse :  Lorsque le thérapeute est avec le patient, il lui donne sa présence pleine et entière, Il est intégralement à ses côtés.

Partie 4 l’absence de sens


Quel est le sens de la vie ? quel est le sens de ma vie? Pourquoi vivons-nous ? Pourquoi sommes-nous ici ? Sur quoi  fonder notre existence ? Si nous devons mourir, si rien ne dure, quel sens tout cela a-t-il ?
Peu furent autant tourmentés sur ces questions que Tolstoï .  Tolstoï : A quoi bon ? et après ? A 50 ans, il envisage le suicide. « Est- il dans ma vie un sens qui ne soit détruit par l’inévitable mort qui m’attend? »
Camus : la seule question philosophique sérieuse est de continuer à vivre lorsqu’on a pleinement saisi l’absence de sens de la vie humaine.
Combien de patients vont en thérapie pour cette raison ? Jung estimait qu’un tiers de ses patients ne souffrait d’aucune névrose cliniquement assimilable mais seulement de l’inutilité du vide et de l’absurdité de leur existence.
Pour Frankl, 20% des névroses découlent d’un sentiment de l’absence de sens.
L’absence de sens constitue le stress existentiel majeur.
Le problème du sens : L’être humain semble avoir besoin de sens. Mais le concept existentiel de liberté pose le seul véritable absolu qui est  : il n’y a pas d’absolu.
La question peut se poser ainsi  : comment un individu qui a besoin de sens trouve-t-il du sens dans un univers qui en est dépourvu ?
« Quel est le sens de  la vie ? » cette question se situe sur un plan cosmique.
« Quel est le sens de ma  vie ? » renvoye à ce que certains philosophes nomment « le sens terrestre ».
Sens cosmique : dans le monde occidental, la tradition judéo chrétienne offre un système explicatif complet  selon lequel le monde et la vie humaine participent d’un plan divin.
Thomas Mann
 : « Au plus profond de mon âme je caresse une hypothèse : c’est que l’acte créateur qui, du néant fit jaillir l’univers, de même que la naissance de la vie à partir du monde inorganique, avaient pour seule fin l’homme et qu’avec lui une grande tentative est faite dont l’échec par la faute des hommes équivaudrait à l’échec de la création elle-même.  Quoiqu’il en soit, il serait bon que l’homme se comporta comme s’il en était ainsi. « 
Les êtres humains trouvent un immense réconfort dans la croyance en un schéma supra ordonné et cohérent de la vie.
Il y a 300 ans,  l’approche scientifique  a commencé à remettre en cause cette croyance. 
Deux écrivains-philosophes ont cherché le sens dans un monde absurde : Camus et Sartre. Chez Camus, le monde est absurde, n’a pas de sens. Je peux en faire quelque chose : courage, rébellion, solidarité fraternelle.
Ndlr : Camus dit « une fois que j’ai compris que le monde est absurde, qu’est-ce que j’en fais ? je reste là à me morfondre ou je fais quelque chose ? »  Plus de solidarité, de partage, etc… Jamais Camus n’est pris en défaut sur la rigueur éthique.  Sans compter que chez Camus, il y a le soleil, la Méditerranée. Le monde est absurde mais je saute dans l’eau bleue et  je vis, je vibre.
Yalom cite les activités séculaires conférant aux êtres humains un sentiment de finalité :
    •    L altruisme

    •    Le dévouement à une cause. Les causes potentielles sont innombrables : famille, état, religion, entreprise scientifique. L’aspect essentiel de cette cause est que si elle doit donner du sens à la vie, elle doit élever l’individu en dehors de lui-même et faire de lui une pièce collaborant à un schéma plus vaste.
    •    La créativité
 : Des artistes confrontés à de graves handicaps personnels ou à de fortes contraintes sociales ont sublimé cela dans la créativité.  Il suffit de songer à Galilée, Nietzsche, Dostoievski, Freud, Kafka, les sœurs Brönte, Van Gogh, Virginia Woolf. Ils avaient une perception plus fine que la plupart d’entre nous de la situation existentielle humaine et de l’indifférence cosmique de l’univers. Dés lors,  ils consacrent avec l’énergie du désespoir toute leur énergie à leur entreprise créatrice. (Beethoven affirma que son art l’avait sauvé du suicide).
Le chemin de la créativité n’est pas réservé à l’artiste. La découverte scientifique constitue elle aussi un acte créatif au plus haut point.
Même la bureaucratie peut être abordé de façon créative.  Un chercheur qui avait changé de voie dit : « Dans la recherche comme dans l’administration, l’excitation et l’euphorie dépendent de la puissance créative. C’est faire en sorte que les choses réussissent.  Je  trouve désormais l’administration plus excitante que la recherche. »
Une approche créative de l’enseignement, de la cuisine, des jeux, des études, de la comptabilité , du jardinage ajoutent  indéniablement du prix à la vie.
Les situations professionnelles qui étouffent la créativité et transforment les individus en automates génèrent toujours, quel que soit le salaire, un profond sentiment de frustration.
La créativité recoupe l’altruisme :  on cherche à améliorer aussi pour les autres.
    •    La solution hédoniste : Vivre pleinement, conserver sa capacité d’étonnement et d’enthousiasme face au miracle de la vie. « La vie est un cadeau.  Prenez-le,  ouvrez-le, appréciez-le, utilisez- le, et  goutez-le »
    •    L’actualisation de soi : Tendre vers l’accomplissement de son potentiel.  Aristote : « parvenir à la réalisation de son être ». 
« Le gland se réalise en chêne,  l’enfant en adulte ».
Pour Maslow
, l’actualisation constitue  le processus fondamental de l’organisme humain. Il considère la société comme un vecteur d’obstruction à l actualisation de soi. Il oppose deux images :  des enfants jouant  joyeux et une foule pressée et triste  dans le métro.  Que s’est-il passé entre les deux périodes ? Comment l’individu a évolué de l’enfant joyeux à l’adulte triste du métro ?
Pour Maslow, la personne pleinement actualisée,  un pourcentage faible de la population, se soucie des autres plus qu’elle ne les utilise comme moyen d’expression de soi ou pour combler un vide personnel.
L’altruisme et d’autres formes de transcendance de soi augmentent avec l’âge
. Les études montrent que cela peut être différent pour les femmes qui se sont occupés des autres, mari et  enfants, et qui à la maturité pour la première fois, sont plus préoccupées d’elles- mêmes que des autres.
FRANKL  s’intéressa au rôle du sens en psycho-pathologie et employa le terme logo
-thérapie dans les années 20. Dans son œuvre,  le sens de la vie occupe une place centrale. Pas assez reconnu par ses pairs, pas assez académique, il avait une prédilection pour l’importance de l’émotion. Déporté Auschwitz de 1943 à 1945, il eut l’intuition qu’avoir trouvé un sens à sa vie fut cruciale pour sa survie. Par la suite, Frankl trouva un sens à sa vie en aidant les autres à trouver le sens de leur vie.
Frankl commence par interroger le principe freudien de la motivation, à savoir l’homéostasie, selon lequel l’organisme humain s’efforce continuellement de conserver un équilibre intérieur. Pour lui et d’autres théoriciens, la théorie de l’homéostasie n’est pas satisfaisante pour expliquer de nombreux aspects majeurs de la vie humaine. Selon Frankl,  ce dont ľ humain a besoin, ce n’est pas de vivre sans tension mais de tendre vers un but véritable.
Frankl baptise son orientation la troisième école viennoise de psycho-thérapie.
    •    Le principe de plaisir freudien constitue le principe directeur de l’enfant
    •    La volonté de puissance adlérienne celui de l’adolescent
    •    La volonté de sens celui de l’adulte mature
Frankl : « ce qui importe ce n’est pas la grandeur du rayon de vos activités mais la façon dont vous en remplissez le cercle ».
L’absence de sens est très intimement liée aux loisirs et aux désengagements
. Le temps libre nous est problématique en ce qu’il nous impose la liberté. Le travail n’est plus pourvoyeur de sens.  De nombreux emplois n’ont aucune valeur intrinsèque.
Le dilemme de l’homme moderne, avance Frankl est que son instinct ne lui dit pas ce qu’il doit faire, ni les traditions ce qu’il devrait faire. Il ne sait pas non plus ce qu’il veut faire. Le conformisme et la soumission au totalitarisme (faire ce que les autres désirent) constituent deux réactions comportementales à cette crise des valeurs.
L’activité compulsive consume une si grande part d’énergie que l’enjeu de sens est non-visible.
Certains patients traverse  une crise du sens à la suite d’une psycho- thérapie
.
En occident, tout est préparation à autre chose
. Les activités sont appréhendées sur un mode similaire : le passé et le présent constituent une préparation à ce qui soit suivre.
Le monde oriental n’a jamais partagé la conception selon laquelle la vie avait un sens ou qu’il s’agissait d’un problème à résoudre.  La vie est un mystère à vivre.
Un sage indien : « l’existence n’a pas de but. Elle est pur voyage. Le voyage de la vie est si merveilleux, pourquoi donc se soucier de sa destination ? »
Le thérapeute doit reformuler la plainte d’absence de sens de son patient afin de découvrir la présence d’ enjeux parasites. La pratique a enseigné à Yalom qu’il était toujours fructueux de s’intéresser de manière approfondie aux efforts manifestés parle patient pour s’exprimer sur le plan créatif. « Le bonheur s’ensuit, il ne peut être poursuivi ». Plus nous recherchons, l’auto-satisfaction plus elle nous échappe.
Technique de « déréflexion » de Frankl : Consiste à dire au patient d’arrêter de se focaliser sur lui même et de rechercher un sens à l’extérieur de lui.
Trois catégories de sens peuvent être trouvés :
 
    •    Accomplissement créatif
    •    Expérience
    •    Attitude vis-à-vis  de la souffrance
La vision galactique de la vie constitue un problème épineux pour les thérapeutes
.  Schopenhauer représente cette tradition du pessimisme philosophique. Comment y répondre ? Tout d’abord, si rien n’a d’importance, il ne devrait pas y avoir d’importance au fait que rien n’ait d’importance. Nous devrions retourner à notre absurde vie avec ironie plutôt qu’avec désespoir.  Schopenhauer avait beau dire que rien n’avait d’importance,  il lui importait de s’opposer au système hégélien, écrire et exercer la philosophie plutôt que de se suicider.
Un nouveau schéma de signification ou un état profond de doute  n’annule pas le sens qui existaient à d’autres moments de la vie. L’engagement résolu dans une activité  est une réponse à l’absence de sens. Hume, Sarte, Calus, Tolstoï  le préconisent. Tosltoï  : « on pouvait vivre tant qu’on s’enivrait de la vie ».
La mort, la liberté et l’isolement doivent être approchés sur un mode direct. En revanche avec l’absence de sens, le thérapeute doit aider les patients à regarder ailleurs, à considérer les enjeux de l’engagement  au lieu de s’embourber dans l’enjeu d’absence de sens.
Dernière phrase du livre : Comme Bouddha nous l’a enseigné, la question du sens de la vie n’est pas édifiante.  L être humain doit s’immerger dans le fleuve de la vie et laisser la question être emportée  par le courant.

« Les nourritures affectives » de Boris Cyrulnik

Fiche de lecture présentée par Sylvie Even (juin 2016) – PPLE 9

Boris Cyrulnik

Les nourritures affectives

Edition Odile Jacob poches
Paru en 1993
Biographie

1937 : Né à Bordeaux dans une famille d’immigrés juifs (son père, ébéniste, était russo-ukrainien et sa mère polonaise) arrivée en France dans les années 1930
1942 : Mis en pension pour lui éviter d’être arrêté par les nazis puis placé à l’Assistance publique où il est recueilli par une institutrice qui le cache
1944 : victime d’une rafle, il échappe à la déportation grâce à une infirmière. Pris en charge et caché par un réseau , placé comme garçon de ferme jusqu’à la Libération.
Ses parents meurent en déportation. Il est recueilli par une tante maternelle qui l’élève.
Cette expérience personnelle traumatisante l’a poussé à devenir psychiatre.
Dans les années 1960 : il fait ses études supérieures à la faculté de médecine de Paris   
1967-1969 : interne du service de neurochirurgie à Paris puis interne du service de psychiatrie  de l’hôpital de Digne
Jusqu’en 1979 il occupe le poste de médecin chef dans un service de post cure psychiatrique
1979 – 1991 : il s’installe comme psychanalyste à mi-temps tout en donnant des consultations au centre hospitalier intercommunal de Toulon où il créé un groupe de recherches en éthologie clinique
1995 – 1996 il devient directeur d’enseignement d’un DU de la faculté des lettres et sciences humaines de Toulon

Préambule

Son approche
Briser les dogmes
Réfléchir de manière intégrative
Se méfier des certitudes
Seulement 3 catégories de personnes qui ont des certitudes
= > les enfants ; ils ont tout à découvrir
= > les ignorants ; moins on a de connaissances, plus on a de certitudes
= > les fanatiques ; 1 certitude, la voix du chef

L’état d’esprit qui gouverne son discours
La perception du « JE »
= > JE suis sujet de mes émotions, de mon action, de mes pensées, de ma parole tel que je suis dans le réel
= > Je me fais une représentation de MOI ; c’est l’image que je me fais de moi
« JE » est non conscient, actionné par mon système nerveux
« MOI » est la représentation hyper consciente que je me fais de moi
Il existe une synchronisation entre ce que je sors de moi et de ce que je me représente de moi

L’affectivité telle que nous la présente Boris Cyrulnik
L’Affectivité comme tissu de l’existence où se mêlent le « JE » de l’action et le « MOI » des représentations conjugués au « NOUS » de l’altérité à travers 6 idées.
Celle de la rencontre amoureuse qui, nous dit-il, ne doit pas grand-chose au hasard.
Elle est plutôt la résultante d’interprétation de signaux où chacun va se projeter ou non en fonction de son histoire.
Il dit « Tout organisme établit avec son milieu des échanges constants, ce qui implique que son cerveau et ses organes sensoriels soient organisés de manière à percevoir dans le milieu extérieur des signaux utiles à notre milieu intérieur »
Ces signaux sont perçus par nos sens
La vue
« N’ayant pas la même histoire, nous n’avons pas les mêmes yeux, nous ne pouvons donc pas rencontrer les mêmes objets ! »
Lorsque nous croisons quelqu’un, cette personne n’est pas forcément un objet signifiant ; la valeur émotionnelle portée varie en fonction de notre histoire.
L’odorat
« L’odeur fonctionne comme une information souvent non consciente qui, d’emblée, présentifie l’absent avec l’émotion qui lui était associée ». (la Madeleine de Proust)

Chez l’animal c’est différent…
Exemple : Lorsque je reçois une personne chez moi, mon chien va conserver l’odeur de cette personne même quand cette dernière sera partie comme si elle était toujours présente alors que moi, être humain, je n’en aurai plus que le souvenir par l’émotion, parfois inconsciente, que je lui aurai attribuée.
La voix
Elle aussi contient bon nombre de signaux.
Lorsque nous parlons à quelqu’un au téléphone, nous pouvons deviner le sexe, l’âge, l’humeur, la culture, le niveau social de notre interlocuteur.
« … sitôt perçu, le signal renvoie une autre information non perçue et représentée ».
« Ce qui va faciliter la rencontre, c’est une émission sensorielle que l’organisme est apte à saisir, par contiguïté et similarité des deux équipements neuro-sensoriels. »
Au-delà des sens, il y a aussi l’apparence physique qui rentre en compte.
Le port de la barbe ou de la moustache en fonction de l’époque et de la culture a parfois une tout autre signification.
Exemple : la moustache en brosse des dictateurs les plus connus d’Amérique latine.
Les vêtements délivrent également des éléments sur sa position sociale.
« Tout vêtement serait ainsi un discours non verbal où les signes textiles remplaceraient les signes sonores de la parole ou ceux dessinés de l’écriture ».
Ces signaux que capte le regard vont également se transformer en signes.
Pour qu’il y ait rencontre il faut avoir été séparé (je reviendrai sur ce point un peu plus loin) et que chacun manifeste par ses signaux la même sensibilité.
« Ce qui s’exprime dans la rencontre amoureuse, c’est un discours émotionnel ».
Exemple : une femme attirée par « les chiens battus »
Pour qu’un rapprochement ait lieu, qu’il y ait synchronisation des émotions il faut se mettre en scène en respectant des codes ; la distance entre les corps, la posture, la gestuelle, la façon de parler…
Les animaux pour gérer l’émotion de la rencontre ont mis au point un rituel.
Rituel animal ex du chien qui va renifler le sexe de l’objet convoité et simulé un chevauchement, qui permet la synchronisation des émotions et le positionnement social.
Le rituel chez l’homme commence par un geste de salutation qui varie selon les cultures
= > Il y a création d’un espace émotif entre les locuteurs
Le regard, qui est la vue sensorielle la plus émouvante, constitue une alerte émotive qui va délivrer un message d’invite ou d’agression.
= > la réaction va dépendre du contexte et de l’histoire des personnes qui se regardent.
« Avant de se toucher, toutes les sensorialités ont créé le sentiment de la proximité.  Mais pour provoquer ainsi un moment de forte émotion, il a fallu déclencher les facteurs qui gouvernent les circuits du toucher : le sexe, l’âge, le statut social et l’histoire antérieure qui constituent les plus puissants organisateurs du toucher ».
La sensorialité de la rencontre est codée. Tous les sens ont un sens
« Tout est codé. Bien avant les sons qui permettent la parole, nos autres sens participent à la mise en signes du monde perçu. Un univers sans rencontre, un univers privé d’autres me laisserait seul, avec moi-même pour toute rencontre, toujours le même, sans surprise, sans émotion, jusqu’à la routine, l’engourdissement et la non-vie avant la mort.
La rencontre créé un champ sensoriel qui me décentre et m’invite à exister, à sortir de moi-même pour vivre avant la mort. C’est pourquoi il y a toujours quelque chose de sensuel dans la rencontre qui m’excite et qui m’effraie, comme la vie ».
« Mais dès que je sors de moi pour aller à la rencontre d’une femme, la sexualité pointe son nez, elle donne la vie et tout est à reprendre ».

Ce qui nous amène à la 2éme idée qu’il nous expose…
Produit de cette rencontre, la communication du fœtus avec sa mère.
Il souligne l’importance de l’interaction mère – enfant.
Le contexte dans lequel est né le désir d’enfant va influer sur l’enfant à naître ; mais aussi les projections que vont faire les parents à partir de leur propre histoire ; la vie de la mère pendant la grossesse, si le père est présent ou non ; le contexte familial, social…

Au cours de la grossesse, les odeurs que respirent la mère, qui parfument le liquide amniotique, influent sur le rythme cardiaque du fœtus ou le fait changer de posture. Il en garde des traces inconscientes et c’est pourquoi à la naissance il se rassure dans l’odeur de sa mère et devient vigilant dans une autre odeur.
La résonance des fréquences graves des paroles de la mère agit comme un toucher sur le fœtus, le stimule et l’encourage à explorer avec ses mains et sa bouche.
« Quand la mère parle, le bébé la goûte ».
La peau du fœtus reçoit les vibrations émises aux moindres changements de posture, de crispations de la mère comme des messages auxquels il se synchronise en changeant de position.
Au 9ème mois, c’est lui qui prend l’initiative de ses comportements.
Il s’agite quand elle se détend.
L’activité de la mère rythme la journée du petit ; cette rythmicité constitue pour lui un objet sensoriel qui structure sa perception du temps.
B. Cyrulnik parle d’autisme fœtal si les interactions mère-enfant ne permettent pas au temps de devenir un objet sensoriel, les sens n’auraient pas le temps de prendre sens.
La mère créé une écologie affective très différente selon qu’elle est hyperactive ou alanguie, stressée ou sécurisée.
Expérience des rattes enceintes – Jacques Cosnier – Professeur émérite fac de Lyon
Taper sur la cage
Offrande de nourriture
= > le moindre bruit faisaient sursauter les petits nés de la mère dont la cage avait été tapée un coup de sifflet, objet de stress, les menaient jusqu’à la convulsion alors que les autres petits nés de la mère à l’offrande mettaient beaucoup plus de temps à réagir
Si la mère n’est pas sécurisée, le moindre bruit devient un stress pour le bébé.
C’est le malheur de la mère qui transmet le stress à l’enfant (absence de père, guerre, précarité).
Lorsque le bébé naît il est déjà personnalisé par son profil comportemental, son émotivité et ses premières représentations mentales.
Il arrive dans un monde déjà structuré par un mythe dans lequel il va se construire.
L’enfant s’imprègne de la culture qui le façonne. La culture est introduite dans la façon dont on l’accueille.
Il est façonné par la représentation qu’on a de lui, notamment en fonction du sexe auquel il appartient.

La 3ème idée qu’il développe concerne l’appartenance de l’enfant
« Un nouveau-né qui n’appartient pas est condamné à mourir ou à du mal à se développer. Mais un enfant qui appartient est condamné à se laisser façonner par ceux à qui il appartient. Le plaisir de devenir soi-même, de savoir qui on est, d’où on vient, comment on aime vivre, passe par le lien qu’on tisse avec les autres. »

Tout d’abord… quelle est la part de l’inné et de l’acquis ?
Difficulté à séparer l’héréditaire de l’hérité même chez les animaux
Expérience : Les singes macaques répertoriés implantés sur une île
Une des mères a un jour lavé des patates douces et les a salées en les trempant dans l’eau de mer.
= > un nouveau rituel a été socialisé et est transmis à chaque génération
Parmi les humains, il y a de petits transporteurs de sérotonine (neurotransmetteurs) qui sont de ce fait des êtres hypersensibles ; tout les touche.
En milieu stable, c’est un facteur d’émotions et de sensibilité
Mais en milieu de précarité, c‘est un facteur de vulnérabilité ; ils auront plus de mal que les autres à faire face aux épreuves
Il y a des déterminants génétiques (sexe, couleur de peau) mais il n’existe pas de programme génétique
= > la biologie et le milieu s’intègrent
« L’appartenance a 2 pôles : la familiarité et la filiation.
La familiarité s’alimente de biologique, de mémoire et de sensorialité quotidienne alors que la filiation s’alimente de culture.»

Pour exister l’enfant a aussi besoin d’appartenir à un groupe à une culture.
« Le « JE » ne peut exister sans un « NOUS auquel il appartient. »
 « Quand on ne sait pas d’où l’on vient on ne peut pas savoir où l’on va ».
Que l’enfant appartienne à celui qui l’a engendré, à celle qui l’a porté où à une structure plus large selon les cultures, la connaissance de ses origines est ce qui va structurer son temps.
En l’absence d’appartenance, certains se tournent vers les sectes qui leur fournissent une raison de vivre.
Le monde pour être structurant a mis en place des rituels.
Si les rituels ne peuvent s’instaurer la violence apparaît.
C’est la 4ème idée

Le rituel constitue une structure homéostatique.
Mais pour qu’il y ait conscience de la violence il faut que les mondes se comprennent.
Ex : chat et la souris
La représentation de l’évènement est différente chez le chat, la souris et l’humain.
Les animaux ne sont pas violents tant que les processus biologiques et écologiques sont équilibrants
Ex : Goeland avance avec un poisson
= > rituel qui représente un geste filial
Si on fait tomber le poisson et que l’on modifie l’aspect de l’approchant
L’autre prend peur = > plus le repère du rituel
= > il fuit ou il devient violent
« L’animal peut modifier son comportement à partir d’informations sensorielles alors que l’Homme répond à ses propres représentations au nom d’un idéal ».
Ex : une lionne qui se dirige vers un point d’eau ne sera pas une menace pour le gnou à ses côtés car la priorité du moment pour la lionne est l’eau
Ex : dans un acte raciste lorsque la représentation de l’Autre évoque la haine, le bourreau n’a pas conscience de la violence car son seul but est d’agir selon son idéal.
= > il répond à ses propres représentations et non plus à ses perceptions
Mais si cette personne avait rencontré l’Autre dans un autre contexte, s’il l’avait connu, sans doute aurait-elle éprouvé une émotion à l’idée de lui faire du mal.
« Chez l’Homme la représentation d’un monde peut exister en dehors de toute perception alors que chez l’animal les deux processus restent associés ».
Pour que les rituels puissent s’exprimer, le milieu ne doit être ni trop pauvre ni trop riche
Trop pauvre, le manque de stimulations extérieures entraîne un appauvrissement du milieu ; le corps devient le seul objet du monde extérieur et conduit à un repli sur soi-même
Ex : les animaux d’un zoo ne peuvent pas respecter leurs rituels en raison d’un environnement restreint par rapport à leur milieu naturel
= > conduit à la frustration, génère du stress
Trop riche, l’hyperstimulation ne laisse pas le temps aux émotions de s’exprimer
Ex : une population de rats dans une cage ; ils se reproduisent mais quand le nombre devient trop important pour l’espace les rituels n’ont plus le temps de s’installer et ils régulent en s’entretuant
= > conduit à une désorganisation des rituels
Dans cette autre forme de violence qu’est l’inceste, plus particulièrement l’inceste mère-enfant, c’est la fusion qui s’établit entre la mère et l’enfant qui empêche l’enfant de se détacher de sa mère. (Développement de la 5ème idée)
L’enfant par la non-présence du père ou de tiers de référence représentant l’interdit n’a pas pu être suffisamment sécurisé pour aller chercher à l’extérieur des nourritures culturelle, sportive, intellectuelle ou affective. L’objet sexuel ne peut se différencier de l’objet affectif.
Il est impensable car le lien mère-enfant est d’abord biologique ; elle l’a porté. Une structure sensorielle les unit. Tandis que le lien père-enfant s’établit, selon la culture, comme une parenté proche.
Dans le cas d’un confinement affectif, comme une mère sans stimulation extérieure avec un enfant qui comble l’absence du père, l’enfant n’aura d’autres choix pour fuir l’inceste que de haïr sa mère.
L’homosexualité permet d’éviter l’inceste et la haine.
Boris Cyrulnik nous montre comment les émotions qui gouvernent notre vie nourrie par la nécessaire interaction avec notre milieu, laissent des traces non représentées. (dernière idée présentée)
Ce que nous racontons dans le présent des faits passés n’est que la représentation que nous nous en faisons au moment où nous parlons à partir des informations qui auront été retenues de notre histoire affective.
Ce récit peut par conséquent changer en fonction de la personne à qui nous nous adressons, du contexte, le moment où l’histoire est racontée.
« Les notes prises au jour le jour donnent forme à l’impression du moment que l’on vit, mais c’est la relation du moment où l’on parle qui donne forme à nos souvenirs. Voilà pourquoi le palimpseste s’oppose au récit et pourquoi «  les récits sont des impostures » qui témoignent moins du réel passé que de l’intimité du narrateur. »

Exemple : Ana Novac Auschwitz. Lui a donné la force de survivre décollait affiche pour y noter ce qu’elle vivait.
Lorsqu’elle a retrouvé les 700 pages de son journal => différent de ce qu’elle avait raconté jusqu’alors.
Nous refoulons ce qui est indicible pour pouvoir continuer à vivre mais lorsqu’un évènement survient (choc, maladie,…) les évènements douloureux du passé peuvent resurgir.
Si un traumatisme n’a pu être raconté par l’obligation de se taire, par des interdits, l’évènement est revécu dans le présent comme lorsqu’il est survenu.

La chimère (Autobiographie d’un épouvantail – 7 janvier 2009)

Tout est vrai et pourtant l’animal n’existe pas…

Ce phénomène est appelé palimpseste*.
*Palimpseste : Parchemin dont la première écriture, grattée ou lavée, a fait place à un nouveau texte.
« Les évènements passés vivent en exil dans notre mémoire. Ils reviendront un jour si le présent ne les chasse plus. »

Il est fréquent chez les âgés.
Boris Cyrulnik parle d’effet palimpseste pour définir les traces enfouies dans notre cerveau quand l’appauvrissement du contexte réveille la mémoire du passé.
On entend dire que les âgés retombent en enfance… mais ce n’est qu’une interprétation de ce qui est perçu
Ex : une dame âgée est admise à l’hôpital après une petite chute.
Mais arrivée à l’hôpital elle se croît chez elle, elle ne situe pas ses perceptions dans le contexte.
Ensuite elle reconnaît son fils en la personne du médecin. Son monde se déshumanise.
Elle ne communique plus ; elle ne sait plus vivre dans un monde interhumain.
Alors elle s’attache à des objets inanimés. Elle s’endort avec une poupée, range son sac inlassablement, lisse son drap.
Puis la vie devenant purement végétative, elle ne mange plus, respire de moins en moins bien et s’éteint.
L’enfant, avec sa peluche, substitut de sa mère absente, l’imprègne de sens et de signification alors que pour l’âgé la peluche n’est qu’une chose sans affect.
Mais l’appauvrissement du contexte peut être limité par le récit.
Le fait de raconter, même si le récit est adapté à l’environnement, est une action.
L’âgé doit adopté une posture pour capter l’attention et raconter son histoire va lui demander un travail de maîtrise de ses émotions dans sa relation à l’autre.
« Le récit offrirait aux âgés ce que la fuite dans l’action offre aux adultes ».

« Le Focusing, au centre de soi » de Eugène T. Gendlin

par Carole de Durfort

Le focusing est une méthode initiée par Eugène Gendlin dans les années 1970. Il est issu de la tradition « Centrée sur la Personne » de Carl Rogers avec qui il collabora étroitement pendant 11 ans à l’université de Chicago.

Gendlin (né en 1926 en Autriche) est avant tout un philosophe. Au départ, ses recherches portaient sur l’élaboration des concepts, en particulier, sur le rapport entre l’expérience et la signification des mots.

Il pensa que le champ de la thérapie, par le fait que les gens parlent de leur vécu en cherchant à le verbaliser, lui donnerait un terrain d’expérimentation particulièrement propice à son étude. Ses travaux l’amènent à conclure que l’expérience, par sa dimension phénoménologique concrètement ressentie et descriptible, sans être équivalente aux mots et concepts, contribue à l’élaboration du sens.


L’experiencing est un concept issu des recherches de Gendlin. Il parle de la possibilité et de l’aptitude que nous avons à faire l’expérience de nous-même. La base de la théorie de Gendlin repose sur l’hypothèse selon laquelle il est possible d’augmenter la capacité d’accès à l’experiencing d’une personne en lui apprenant le processus Focusing. « Il y a 20 ans, l’idée que l’inconscient est logé dans le corps, entre autres sou forme de malaises et de tensions, avait quelque chose de choquant. Aujourd’hui, il est généralement admis de considérer le corps comme une source d’information et de moteur de changement. Par contre, peu de gens connaissent la façon d’accéder à cette source ».

Le Focusing est une méthode éprouvée qui nous amène à prendre conscience de ce savoir inscrit dans le corps qui, en se déployant, ouvre sur de multiples découvertes. Cette aptitude intérieure vous permettra d’une part de découvrir ce qui, dans votre vie, vous bloque, vous ralentit, vous inhibe, vous empêche de progresser et d’autre part d’apporter les changements nécessaires. Vous pourrez, grâce à elle, approfondir vos pensées et vos sentiments. Le Focusing nous aide à mettre des mots sur ce que nous ressentons et à ressentir un peu plus ce qui est contenu en nous mais qui n’est pas encore tout à fait clair. Il s’agit d’un dialogue qui s’établit avec notre espace intérieur et tout ce qu’il contient.


Le Sens Corporel : point de départ du Focusing.

Le Focusing consiste à contacter un sens corporel qui est accessible en nous sans être clair. Notre attention se dirige vers la zone de la poitrine, de l’estomac et du ventre et de la gorge et nous pouvons passer du temps au seuil de cette place un peu brouillée qui peut parfois faire l’effet d’une muraille de brume grisâtre ou d’une forêt sombre. Au départ on ne voit rien puis on commence à distinguer tout ce qui est intriqué dans ça. C’est là que selon Gendlin, commence le Focusing. Le temps que l’on prend de reconnaître, toucher et se tenir à côté de ce sens que l’on ressent fait aussi partie du processus de Focusing. Dans le but de transmettre la connaissance et la pratique du Focusing, Gendlin propose un modèle en 6 étapes décrivant le processus intérieur et son mouvement naturel.


Bernadette LAMBOY  (Directrice IFEF : Institut de Focusing Francophone )
Le focusing (ou centrage sur soi) est une approche corporelle de psychothérapie qui se caractérise par une attitude d’attention au « senti », c’est-à-dire à ce qui se passe « en soi » : les émotions, les sensations kinesthésiques ainsi que les perceptions. Devant les obstacles de la vie, nous tentons la plupart du temps de trouver des solutions en faisant appel à la réflexion, à l’analyse, à notre compréhension mentale. Ce n’est pas toujours couronné de succès. Que faire lorsque nous sommes dans une impasse ? Le focusing nous ouvre une voie différente qui passe par l’écoute du corps, plus précisément par l’écoute d’une certaine sensation corporelle, le « sens corporel ». Dans la vie, selon les circonstances, nous nous sentons légers ou lourds, plein d’entrain ou sans ressort, avec un nœud à l’estomac ou une boule dans la gorge.  Ces impressions sont chargées de significations que nous ignorons habituellement.  Avec cette approche, nous allons les explorer et en écouter le message. En prêtant attention à ce qui se passe en nous, au-delà des émotions, des sensations kinesthésiques ou des perceptions viscérales facilement repérables, des réponses et des solutions nouvelles vont émerge auxquelles nous n’avions pas pensé jusque là.


Les 6 étapes du Focusing

1ère Étape : Dégager un Espace

La 1ère étape est très importante. Elle consiste à dégager son espace intérieur pour pouvoir continuer le Focusing. Elle n’intervient qu’une seule fois au début de chaque séance. En revanche on peut recommencer les autres des 12aines de fois en approfondissant ses SC les uns après les autres. Trouvez les préparatifs qui vous conviennent pour vous sentir bien et vous placer dans un état mental et physique de réceptivité. Entassez tous vos problèmes d’un côté afin de dégager un endroit où vous pourrez vous asseoir et respirer à l’aise. Ne vous laissez pas submerger pas vos problèmes, ne vous identifiez pas à eux, mais ne les fuyez pas non plus ; Prenez du recul face à ce qui vous préoccupe ou vous fait souffrir. Vos problèmes sont là devant vous mais vous vous êtes construit un petit abri et pour le moment  ils ne peuvent pas vous inquiéter. Vos tensions sont toujours là, il faudra les dénouer, y faire face d’une façon différente et plus efficace. Acceptez une inquiétude momentanée. Contentez-vous d’empiler vos problèmes devant vous, prenez-les un par un, déposez un fardeau, empilez-les devant vous pour pouvoir les observer mais ne les portez pas sur votre dos. Vous pouvez dresser une liste des tâches qui vous attendent, cela n’accomplit pas les tâches mais vous vous sentez mieux, vous êtes moins affolé, plus détendu, de sorte que vous pouvez aborder le problème d’une manière calme et ordonnée. Le calme que vous trouverez à la 1ère étape et vous aidera à vous fier davantage à votre corps. Dans cet état, il a la sagesse pour résoudre vos problèmes. Affrontez vos sentiments et vos situations pénibles avec un corps décontracté. Tous malaise que nous ressentons indique que votre corps sait où se trouve son bien-être et tend vers ce but. L’existence même d’une inquiétude en vous prouve que votre corps sait ce qui est bon pour vous et ce qui ne l’est pas puisqu’il vous signale que quelque chose va mal. Il veille constamment à maintenir son équilibre. Il possède un sens global de ce qui lui est vital, un sens beaucoup plus sûr que nos pensées. Vous pouvez faire confiance à l’ensemble des étapes que votre corps franchit afin de transformer votre malaise. Votre corps possède un instinct de guérison et de survie. Puis, si vous êtes attentif, vous percevrez dans votre corps un certain malaise relié à un certain aspect de votre vie. Reconnaissez en l’existence puis déposez-le à côté de vous gentiment. Demandez-vous ensuite si ce problème mis à part, vous êtes très heureux de la vie que vous menez. Faîtes la même chose avec ce qui émerge alors. Vous devez attendre chaque fois que votre corps vous fournisse la réponse. Quelle émotion s’interpose constamment entre votre bien-être et vous ? Mettez-la aussi de côté. Pas maintenant. Dégagé de votre lot de préoccupations, vous n’êtes plus le même. Comment vas-tu en ce moment ? Que se passe-t-il actuellement ? Vous attendez sans répondre. Les sentiments que vous éprouvez dans votre corps constitueront votre réponse. Ce n’est pas la liste de problèmes que nous voulons. Nous voulons savoir ce qui vous empêche de vous sentir bien dans votre corps. Accordez de l’importance à ce que vous sentez vraiment. Si vous vous donnez la peine de l’écouter, votre corps vous fournira les indices. Prenez le temps de déterminer ce qui vous bloque. Acceptez la complexité de vos sentiments. Regardez ce qui se passe en vous. Ne vous laissez pas interrompre par votre côté critique. Laissez votre moi profond s’exprimer. Créer cette atmosphère amicale. Ne les combattez pas. A la question : « qu’est ce que j’éprouve en ce moment ? » Laissez venir la réponse de l’intérieur et acceptez-la pour l’instant. Vous vous trouvez  à la 2è étape et vos chances sont bonnes d’éprouver un changement.

Étape 2 : Laisser venir le Sens Corporel

Parmi les différentes émotions que vous avez éprouvées, choisissez un problème personnel sur lequel vous désirez employer le F. N’entrez pas dans le problème. Prenez du recul. Concentrez-vous sur l’endroit de votre corps où vous éprouvez habituellement des émotions et pourrez y trouver une perception globale de votre problème. Prenez le temps de ressentir cette perception vague et globale. Essayez de constater ce que vous éprouvez face au problème entier. Votre mental commencera à vous créer de sérieux ennuis. Il interviendra avec des remontrances, des théories rationnelles, des clichés. Vous devez traverser cette zone tapageuse afin d’atteindre le sens corporel qui se trouve au-dessous. Il s’agit pour une fois de vous taire, d’écouter et de sentir. Vous y parviendrez avec patience. Dites vous que pour le moment vous ne cherchez pas à comprendre. Vous tentez de saisir ce que vous éprouvez face au problème entier. Vous essayez de toucher du doigt le sentiment qui englobe « tout sur ma relation avec untel, tout sur l’idée de… ». Vous essayez d’entrer en contact avec le Sens Corporel de votre Problème. Entrez en vous sans vous laisser distraire par les protestations de votre mental, jusqu’à ce que vous perceviez une Sensation Unique Face au Problème pris dans son ensemble. Vous centrez votre attention sur une sensation unique face à tout cela (ne pas s’arrêter aux détails). N’essayez pas de régler. Contentez-vous de le ressentir. Le Sens Corporel est une sensation globale et vague qui se rapporte au problème dans son entier. La plupart des gens n’en tiennent pas compte parce que c’est flou, vague. La 1ère fois vous vous dîtes : Ah c’est ça ! Voilà justement la façon dont votre corps ressent le problème. Il s’agit d’une sensation plutôt imprécise.

Étape 3 : Trouver la prise.

Quelle est la qualité de votre Sens Corporel corporel ? Laissez venir un mot, une expression ou une image se former à partir du sens corporel lui-même (serré, désagréable, effrayant, bloqué, pénible, tendu, nerveux.. ou une image : une boule de plomb). Concentrez-vous sur la qualité du SC jusqu’à ce que vous trouviez le terme approprié. Ne cherchez pas à analyser. Essayez de découvrir l’essentiel de votre SC, la prise du Pb dans son entier, la qualité particulière qui en émerge. Impression de ne pas avoir agi convenablement, éprouve qch que je ne peux exprimer verbalement, tension-malaise… Eviter d’imposer le mot au SC ? Laissez émerger dans son essence ou essayer doucement de lui appliquer un terme. Au cours de cette étape, il se peut que votre Pb commence à changer, qu’il vous semble différent de tout ce que vous auriez pu imaginer si vous aviez procédé rationnellement. Vous cherchez qch qui s’accompagne d’un mouvement corporel. Laissez tomber tout le reste. Lorsqu’un mot ou une image visant à qualifier le SC est approprié, nous l’appelons « Prise ». Si au moment où vous prononcez le mot ou vous vous représentez mentalement l’image, votre SC tressaille légèrement et s’attenue, voilà le signal qui vous dit que vous l’avez trouvé. Laissez des mots ou des images émerger de votre sentiment. Laissez celui-ci se nommer lui-même. Normalement lorsque vous trouvez une prise, vous éprouvez un mouvement corporel léger mais suffisant pour vous indiquer qu’elle est bonne. Etre attentif à ce léger mouvement afin de ne pas le manquer. Centrez votre attention sur votre corps afin de reconnaître si le mot ou image choisi provoque en vous la petite détente qui vous dit : voilà, j’ai trouvé.

Étape 4 : Faire résonner.

Confrontez votre SC avec le mot, l’expression ou l’image que vous avez trouvée.
Voyez s’ils correspondent. Cherchez un petit signal qui vous indique que c’est le bon.
Vous devez entrer de nouveau en contact avec votre SC en même temps que vous répétez le mot trouvé. Laissez le SC se transformer si c’est le cas, ainsi que le mot ou l’image, jusqu’à ce que vous précisiez votre SC. Assurez-vous qu’ils s’accordent parfaitement. Demandez-lui sans répondre ; Est-ce bien cela ? La réponse devrait venir du SC sous forme d’une profonde inspiration ou d’un soulagement si votre mot est approprié. Essayez d’éclaircir votre sentiment. Attendez et laissez des termes plus précis en émerger. Cela demande que vous perceviez votre SC clairement et physiquement. Répétez les mots doucement en vous-même afin de sentir clairement leur lien avec le SC. Une prise vous confirme votre découverte du mot ou l’image juste. Vous devez vérifier la justesse plusieurs fois en le confrontant avec le SC jusqu’à ce que vous ayez éprouvé tous les effets physiques qu’elle entraîne Lorsque vous vérifiez la justesse de la prise, vous permettez en même temps à votre corps de changer. Accordez-lui tout le temps dont il a besoin pour se transformer (1à2mn), ne vous pressez pas.

Étape 5 : Interroger.

L’étape 5 consiste à interroger le SC directement. Passer quelque temps (1 à 2mn) en contact avec son SC (ou y revenir à l’aide de la prise qui vous aide à percevoir avec exactitude le SC). Vous devez le percevoir bien clairement, sinon impossible de l’interroger.
Maintenant vous pouvez interroger votre SC sur sa nature. Si le terme trouvé est nerveux : Demandez à votre SC ce qui dans votre Pb entier vous rend si nerveux. Ne tenez pas compte des réponses dans votre tête. Interrogez votre SC. Ces réponses appartiennent au passé et proviennent de votre cerveau. Restez en contact avec votre SC qui frémira et vous obtiendrez une réponse. Il est facile de distinguer les réponses purement intellectuelles de celles qui émergent du SC. Les 1ères se succèdent rapidement dés les questions posées. Le cerveau intervient très vite sans vous laisser le temps d’entrer en contact avec votre SC. N ‘en tenez pas compte. Retrouvez votre SC avec l’aide de votre prise, puis interrogez-le de nouveau. Il est très important de poser de questions ouvertes auxquelles on évite consciemment de répondre avec son intelligence (les questions fermées auxquelles on s’empresse de répondre sont vides de sens). Interroger le SC, comme vous posez la question à quelqu’un ; vous attendez une réponse. N’imposez pas le mot ou l’image à votre sentiment. Laissez-les émerger de celui-ci. Laissez votre sentiment se révéler dans sa totalité. Les mots ou images qui émergent d’un sentiment s’accompagnent d’un mouvement corporel, un léger soulagement ou un abandon qui vous fait dire : Voilà ce dont il s’agit ! Le Mouvement Corporel est toujours bienfaisant. Même lorsque votre découverte, vue sous un angle rationnel, ne règle  pas votre PB. On ne peut provoquer un mouvement corporel, il vient un peu comme une faveur.




Étape 6 : Accueillir

Si vous avez déjà éprouvé un mouvement profond, une ouverture et une détente physique, vous arrivez à la 6ème étape qui consiste à se montrer réceptif à ce qu’apporte le mouvement corporel. Vous avez éprouvé un MC et votre Pb s’est transformé. Acceptez-le. Soyez heureux que votre corps vous parle quel que soit son message. Un MC n’est pas définitif. Si vous l’acceptez amicalement, un autre suivra. Contentez-vous d’être réceptif et d’accepter ce que le message de votre corps a à vous dire. Ainsi un mouvement peut vous révéler un désir profond enraciné en vous, mais sous une forme que vous jugez impossible à satisfaire. Accordez tout le temps qu’il faut au plus subtil mouvement. Protégez le MC de ces petites voix critiques négatives. Ne les laissez pas détruire votre découverte fraiche.
Pour l’instant permettez-lui de respirer. Laissez-la croître, admirez-la. Accordez-lui toute votre attention. Ne vous pressez pas. Vous acceptez tout ce qu’entraîne le MC au détachement. Vous ne vous situez pas au coeur de ce qui se passe mais juste à côté. Cet espace contigu, vous le trouvez au moment même où votre corps se détend. Vous prenez le temps de respirer. Vous sentez une distance entre votre Pb et vous. Vous êtes ici, il est là. Vous avez un Pb, vous n’êtes pas votre Pb.

Passez à un nouveau cycle.

Votre corps vous dira d’attendre pour assimiler ce qui est nouveau pour lui, ou de continuer. Quand vous reprenez, il est bon de vous rappeler ce qui précédait le dernier MC.
Pour continuer le F, vous pouvez de nouveau prendre conscience de votre Pb dans son entier et demander à votre corps : est-il résolu ? Vous percevez dans votre corps un malaise face à ce qui n’est pas encore résolu. Restez en contact avec le SC global et répétez les étapes 2 à 6. Vous pouvez à partir de votre dernier MC découvrir ce qui se trouve-là. Quel est maintenant mon SC face à cela ? Vous reconnaîtrez le MC à la détente qu’il procure. Vous aurez peut-être à répéter bien des cycles ou étapes avant de résoudre votre Pb.
Vous sentirez un changement physique à chaque pas en avant. Cela peut prendre des mois. Reprenez où vous avez laissé jusqu’à ce que vous en ayez assez pour cette fois-ci et atteignez le point de vous dire ; « Je n’ai pas encore résolu mon Pb mais je sens que je peux m’arrêter à cet endroit-ci. J’ai besoin d’une journée pour laisser le corps s’habituer au changement et voir comment je réagis maintenant en situation réelle. Il est bon d’aller alternativement vers l’intérieur puis vers l’extérieur. Cela demande de l’entraînement.
Vous devrez perdre des centaines d’habitudes mentales et physiques enracinées, certaines façons un peu trop familières de vous parler à vous-même. Cela peut prendre du temps d’explorer ce territoire intérieur étranger qu’est notre corps.

Conclusion : Focusing/LE

  • J’ai d’abord éprouvé une certaine curiosité à l’égard du Focusing dont j’ai entendu parlé pour la 1ère fois par un stagiaire « Agir et Connaître ».
    J’ai presque toujours abordé l’Auto-Tétralemme de la LE par la case ressenti, et je sentais un grand besoin d’éclaircir cette zone souvent obscure.
  • Je me suis heurtée à des difficultés à chaque étape : manque de distance / problèmes, résistance à écouter et à accepter la sensation éprouvée, à laisser venir le mot ou l’image sans l’imposer par la tête, à revenir systématiquement au Sens Corporel, à sentir un changement, une détente, à laisser le temps faire son œuvre.
  •  Ce livre m’a passionné et m’a permis de prendre conscience d’un certain nombre de pièges et de lever des blocages nés de conflit entre mon mental et mon corps (en LE reptilien/cognitif). Par l’écoute de mon SC et grâce au procédé du Focusing, j’ai pu sentir dans mon corps d’où venaient mes tensions sur lesquels je buttais depuis longtemps et que je n’arrivais pas à dénouer.
  •  Je sais que le chemin est loin d’être terminé mais je crois avoir fait un bon en avant important et sais maintenant le chemin pour avancer vers la détente et le changement.
  •  Je vois dans ce procédé un chemin très complémentaire et qui ne s’oppose pas à la LE.  Approche plus particulièrement focalisé sur le ressenti et la résolution de problèmes, mais qui touche à tout le mouvement émotionnel en passant par le désir, les habitudes stratégiques, les représentations, toujours avec ce soucis de revenir à la sensation corporelle (vrai).
  • J’ai aimé cette approche par étape qui m’a aidé à observer ce qui se passe en moi, avec bienveillance et toujours en vue d’un dialogue corps-esprit, privilégiant l’écoute du corps comme savoir privilégié pour aller à la rencontre de soi.
  •  Je serais heureuse de savoir comment vous avez vécu ce parcours vers votre Sens Corporel …



Pour résumer la démarche

Écoute du message
                                Nouvelles informations =
Situation problématique                    Réponse, Solutions et
                                Application concrète






            Consultation du sens corporel :
            Où je ressens la situation dans mon corps ?
            Comment ça fait ?
            Prise du Sens Corporel



Les 6 étapes du Focusing

  1. Dégager un espace Intérieur
    • Entassez tous vos problèmes d’un côté afin de dégager un endroit où vous pourrez vous asseoir et respirer à l’aise.
    • Affrontez vos sentiments et vos situations pénibles avec un corps décontracté
  2. Laisser venir le Sens Corporel
    • Essayez de rentrer en contact avec le Sens Corporel de votre problème.
    • Le Sens Corporel est une sensation globale et vague qui se rapporte au problème dans son entier.
  3. Trouver la prise
    • Laissez un mot ou une image se former à partir du sens corporel lui-même.
    • Vous cherchez quelque chose qui s’accompagne d’un mouvement corporel.
  4. Faire résonner
    • Confrontez votre sens corporel avec le mot ou l’image que vous avez trouvés.
    • Lorsque vous vérifiez la justesse de la prise, vous permettez en même temps à votre corps de changer.
  5. Interroger
    • Demandez à votre sens corporel ce qui dans votre problème entier, vous rend si…N’imposez pas le mot ou l’image à votre sentiment. Laissez-le émerger de celui-ci
    • Le Mouvement Corporel est toujours bienfaisant.
  6. Accueillir
    • Vous avez éprouvé un Mouvement Corporel et votre problème s’est transformé.
    • Acceptez-le. Soyez heureux que votre corps vous parle quelque soit le message.

« Votre cerveau n’a pas fini de vous étonner » de Patrice Van Eersel

par Pascale Fleury

VOTRE CERVEAU N’A PAS FINI DE VOUS ÉTONNER

de Patrice Van EERSEL  

Fiche de lecture de Pascale FLEURY

PROMO 8

Notre cerveau est fabuleux : il est totalement élastique ! Même âgé, handicapé, partiellement amputé, le système nerveux central peut se reconstituer. Il est aussi totalement social, il donne sa pleine mesure en entrant en résonnance avec d’autres : nous sommes constitués pour entrer en empathie avec autrui. Ce livre va aborder ces questions passionnantes avec 5 médecins et chercheurs :

Boris CYRULNIK, neuropsychiatre et éthologue, Pierre BUSTANY, chercheur, spécialiste en imagerie médicale, Jean-Michel OUGHOURLIAN, psychiatre et professeur de psychologie, Christophe ANDRE, psychiatre, spécialiste des thérapies cognitives, et Thierry JANSEN, chirurgien devenu psychothérapeute.

PREMIÈRE PARTIE : NOTRE CERVEAU EST PLASTIQUE

Nos neurones se remodèlent et se reconnectent jusqu’à la fin de notre vie. Aujourd’hui  presque n’importe quelle zone du cerveau est modelable, au prix d’efforts certes puissants mais accessibles. Ainsi, les zones corticales spécialisées dans une fonction sensorielle (toucher, vision, …) ou motrice peuvent se remplacer les unes les autres. Certaines personnes fonctionnent par exemple avec un demi-cerveau !

En peu de temps, sous l’influence d’émotions, d’images, de pensées, d’actions diverses peuvent se produire plusieurs phénomènes :                                                                              

– de nouveaux neurones peuvent naître dans notre cerveau                                      

– nos neurones peuvent se développer, multiplier leurs synapses ou se ratatiner        

– nos réseaux de neurones peuvent même remplacer un sens par un autre                

L’ensemble de notre cerveau peut entièrement se réorganiser suite à un accident par exemple. On peut garder un esprit élastique jusqu’à notre mort, si nous cultivons 2 aspects : notre gout pour la nouveauté et notre capacité à l’empathie.  

Le concept de résilience dit que donner de l’affection à un enfant abandonné peut lui permettre de « renaître ». Au bout d’un an, placé dans une famille d’accueil affectueuse et attentive, ses synapses repoussent comme primevères au printemps, son  néocortex est « regonflé », images à l’appui. Cette atrophie des orphelins mis en isolation sensorielle, comme leur résilience ultérieure, sont des preuves de la plasticité neuronale et corticale. Le plus important n’est pas que des neurones puissent repousser, mais qu’ils s’interconnectent. Un neurone isolé ne sert à rien. L’intelligence, la sensibilité, l’empathie, toutes les fonctions psychiques dépendent du degré d’interconnection et de vivacité des neurones.                                

Contrairement à ce que disent les Media, la plus grande maltraitance n’est pas physique mais liée à une carence affective. Celle-ci fait des ravages silencieux. L’enfant n’est pas mal traité, ni agressé. Il est juste seul.

DEUXIEME PARTIE : NOTRE CERVEAU EST SOCIAL

Nos neurones ont besoin d’autrui pour fonctionner car notre cerveau est neurosocial. Nos circuits neuronaux sont faits pour se mettre en phase avec ceux des autres. Nous n’avons donc pas le même cerveau, et donc pas la même vie, selon les relations que nous entretenons avec autrui. Nos neurones ont absolument besoin de la présence physique des autres et d’une mise en résonnance empathique avec eux. Les contacts virtuels, en augmentation croissante, poseront un gros problème.

Nos neurones attrapent les émotions des autres. Au moindre sourire, au moindre affrontement, nous sommes en résonnance. Ainsi, notre cerveau n’est pas le même selon que nous trouvons notre interlocuteur plus ou moins sympathique, drôle, suspect, stupide, dangereux, tonique… Les bienfaits d’une relation positive, de même que les méfaits d’une relation toxique, ont des effets cumulatifs.

Tout cela fonctionne, entre autres, grâce aux neurones miroirs. C’est un mécanisme qui fait que dès la naissance, notre cerveau « mime » les actions qu’il voit accomplir par d’autres, comme si c’était lui qui agissait. En 1996, en Italie, RIZZOLATTI travaille avec des singes, portant des casques à résonnance magnétique.  Pause déjeuner, il tend la main droite vers un sandwich : le cerveau du singe qui le regarde fait crépiter le casque.  Le chercheur arrête son geste, puis le recommence ; à nouveau crépitement. L’IRM lui montre que le singe, resté immobile, envoie de l’énergie à son cerveau « comme si c’était lui qui levait la main droite pour attraper le sandwich ! Il venait de découvrir le principe des neurones miroirs ! Mais pour cela, il faut que l’objet soit signifiant pour le singe. Une banane, crépitement. Un stylo, rien.

L’intelligence relationnelle repose sur un processus fulgurant de rapidité. Notre cerveau peut capter, en quelques millièmes de secondes, quantité d’informations simultanées (odeur, aspect amical ou menaçant…) sur la personne en face de nous. Notre mécanisme de survie, processus archaïque, se déroule hors de toute conscience, à la vitesse éclair d’un réflexe. Si le rire est le processus de contagion neuronale le plus rapide de tous, le sourire est l’expression que le cerveau humain décrypte le plus vite et avec le plus de nuances. Sans cette rapidité et cette subtilité de décodage de l’autre, l’empathie serait impossible. Cette communication ultrarapide et multiniveaux constitue « la voie basse » de l’intelligence relationnelle. Elle ne fait pas de compromis, ni de diplomatie. D’où l’importance de notre cerveau civilisé ou « voie haute » qui commence par la réflexion consciente et met en action les structures neuronales du néocortex. Cette voie est plus lente, mais plus nuancée, riche, flexible, faisant intervenir la mémoire, les valeurs, les croyances, la culture (ex : au cinéma, la voie basse réagit comme si le film d’horreur était vrai, et la voie haute nous contrôle pour que nous restions assis sans nous sauver).

On a montré que les relations harmonieuses mettent tous les chronomètres neuronaux des protagonistes en phase, ce qui, outre un meilleur métabolisme, leur apporte un bien-être accru. L’altruisme serait un instinct. Comme nous ressentons la souffrance de l’autre, en le secourant, nous cherchons à nous soulager nous-mêmes. Dans notre cerveau, les neurones qui ressentent l’autre côtoient les neurones moteurs qui permettent d’agir. Or, notre altruisme est sans arrêt bloqué. Nous sommes bombardés d’informations terribles par les media, sans capacité d’action réelle (que ne sont pas chèque ou signature de pétition), ensuite, nos grandes villes ne nous permettent pas de répondre au trop plein de contacts, enfin nos relations amicales ou familiales se passent le plus souvent par l’intermédiaire de machines qui n’autorisent pas le contact direct, physique, sensoriel. Les enfants jouent de moins en moins entre eux et sont de plus en plus violents… L’indifférence nous gagne tous.

A quoi servent les neurones miroirs ? A nous préparer à l’action, en renforçant les voies neuronales de notre cerveau moteur. Plus vous répétez l’activation d’une voie, même par imagination, plus cette voie se renforce, plus le geste auquel elle correspond va   devenir facile, automatique. Ainsi, vous entrainez vos doigts à bouger, au bout de 8 jours, vous les bougerez 50% plus vite. Si vous avez seulement visualisé l’action, votre vitesse d’exécution s’améliorera de 20 à 30 %, tout cela grâce au système miroir.    Avec la neuro imagerie, on constate que si un musicien en écoute un autre jouer, il se passe dans leurs cerveaux des choses absolument comparables. Dans le cerveau d’un non musicien, même s’il apprécie le concert, il ne se passe pas grand choses dans son cerveau. Ceci est vrai pour tous les arts, les apprentissages. Notre esprit ressent le besoin impérieux d’achever une forme ou un geste à peine ébauché. Il est bâti pour systématiser, intégrer et rationaliser, parfois à outrance.

Ce système miroir nous pousse à faire le bien d’autrui, car nous y avons intérêt. Tout être vivant cherche à survivre, étendre son territoire et à se reproduire. Nous avons développé notre instinct de groupe car seuls nous aurions été impuissants. Nous avons intérêt à aider nos congénères, et quand autrui éprouve une souffrance, en nous résonnent les mêmes sensations désagréables. On recherche donc le bonheur d’autrui… pour notre propre satisfaction. Mais, quand le corps social se dérègle, ce système tombe en panne. Pour ne pas souffrir de voir autrui souffrir, je le fais disparaître du champ public : camps, ghettos, asile, prisons… Pour bien fonctionner, le système miroir doit être encadré par des valeurs, une culture, des savoirs. Notre plasticité neuronale a donc vraiment  un rôle social.

Les mécanismes hormonaux et enzymatiques influencent la neuroplasticité, ou la bloquent chez les dépressifs et les stressés. Un cerveau déprimé ne donne pas les mêmes images qu’un cerveau tonique. Pourquoi certaines personnes ne dépriment jamais, bien qu’ayant subi guerres ou traumatismes, alors que d’autres, pour des riens, se mettent à broyer du noir et sont incapables de réagir ? L’exercice physique assidu semble empêcher  la dépression par la sécrétion d’insuline, un des facteurs de développement des réseaux neuronaux. L’exercice physique retarde le vieillissement, et dans une moindre mesure l’alimentation… Mens sana in corpore sano !

La plasticité neuronale baisse avec l’âge, mais si un vieux cerveau est bien entraîné, il connaît des raccourcis neuronaux et fonctionne à merveille, voire mieux que chez un plus jeune. Si un enfant ne peut utiliser son intelligence et ses facultés mentales (guerre, abandon…) ses réseaux synaptiques ne se développeront pas, et on pourra conclure qu’il est stupide. Le cerveau ne s’use que si l’on ne s’en sert pas !

La découverte des neurones miroirs suscite un enthousiasme énorme dans toutes les disciplines de la neuroscience à la psychiatrie ou la philosophie. Le PET-scan enregistre dans votre cerveau que, si vous me voyez remplir un verre d’eau et le boire, les mêmes zones s’allumeront que dans le mien. Alors que si un bras de levier mécanique fait le même geste, votre cerveau n’aurait pas bougé. Votre cerveau agit en miroir parce que je suis un être humain et vous aussi ! Cela explique aussi l’empathie. Cette disposition du cerveau à imiter ce qu’il voit faire -quand l’action l’intéresse- explique l’apprentissage, mais aussi la rivalité.

Après le cerveau cognitif et le cerveau émotionnel, nous aurions donc aussi un cerveau mimétique. Nos neurones miroirs détermineraient toutes nos relations. Si nous désamorçons la spirale violente qui transforme le modèle en rival ou obstacle, je pacifie mes rapports humains. Cela va susciter des émotions et sentiments positifs, bonne humeur, estime, amour. Mais si le rapport mimétique, entre 2 individus tourne à la rivalité, tout l’appareil cognitif et intellectuel va se mobiliser pour renforcer ma rivalité et donc mon agressivité. Cette hypothèse reprend les 3 états décrits par Henri LABORIT : l’agression, la fuite ou l’inhibition et remet en question toute la psychopathologie. On ne cherchera plus à réduire les symptômes de la maladie mentale au niveau cognitif par la rationalité, au niveau émotionnel par la psychothérapie, mais en trouvant un moyen d’agir au niveau mimétique.        La sagesse consiste à apprendre à désirer ce que l’on a.

TROISIÈME PARTIE : NOTRE CERVEAU EST ÉMOTIONNEL ET AUTONOME

Sentir, penser, agir… Tout cela ne consomme que 1 % de notre énergie cérébrale, c’est la partie consciente. Le reste est utilisé par le non-conscient. Un neurone ne devient opérationnel que si des dendrites se mettent à pousser, le reliant par des synapses à d’autres neurones. Les 6 moteurs de croissance dendritique les plus importants sont : le désir, l’affection, l’interrogation, la réflexion, l’action, l’effort volontaire. Ce qui détruit les neurones, là aussi, dans le désordre : le vieillissement, le stress, la pollution, certaines maladies, et surtout la passivité. Apprendre, aimer, agir méditer rend vigoureux nos neurones et nos synapses.

On sait maintenant que notre cerveau ne comporte pas de régions spécialisées dans le calcul, la sémantique, la vision : tout fonctionne en réseau ! Et ces réseaux échangent en permanence des informations, même quand on pense ne rien faire. Ces réseaux sont à la fois stables (sinon on ne saurait plus qui on est en se réveillant) et mouvants (se rappeler un souvenir, c’est aussitôt en modifier le réseau).

Notre cerveau fonctionne toujours à flux tendu, est toujours à 100% de ses capacités, nuit et jour. Mais seulement 1 % de cette activité est cognitive, c’est-à-dire accessible à la conscience, ce qui nous sert à penser, parler, inventer, décider ou bouger. Les 99 % constituent « le fonctionnement cortical par défaut ».

Les 3 principaux créateurs de réseaux neuronaux sont l’imitation, l’émotion et la répétition. Ces 3 facteurs constituent la trame de notre vie affective et relationnelle, car notre cerveau est éminemment social. Le bonheur s’engramme, l’avantage des émotions, c’est qu’on peut apprendre à les canaliser, les apprivoiser nous dit Christophe ANDRE. Les émotions se trouvent au centre de la plasticité neuronale. Nos réseaux neuronaux sont génétiquement bâtis pour nous faire ressentie la peur, la colère, la joie et la tristesse. Ces dispositions sont ensuite modulées par les différences individuelles, familiales, sociales, culturelles etc… Nous avons grand mal à réguler nos flux émotionnels, nous basculons en « pilote automatique » dès qu’ils deviennent trop intenses, sans les contrôler.  

La base de tout changement psychique émotionnel durable et autoproduit c’est la neuroplasticité : la survenue de modifications fonctionnelles des voies neuronales. Et la base de la neuroplasticité, c’est la notion d’expériences et d’exercices inlassablement répétés : l’entraînement de l’esprit. C’est vrai pour la thérapie, mais aussi pour la prévention.

L’apprentissage de la pleine conscience traite la phobie du rougissement : la personne rougissant se focalise à 100% sur 2 questions « est-ce que je rougis ou non ? » et « est-ce que les autres ont vu que je suis si mal à l’aise que je deviens plus rouge qu’une tomate ? ». Plus on focalise sur cela, plus on rougit : c’est un cercle vicieux ! On place le patient face à un public qui le regarde en silence. Il devient vite écarlate, et doit élargir son focus attentionnel. Le psy  lui dit, « vous êtes rouge, c’est désagréable, c’est comme cela. Prenez conscience des petits bruits, comment vous respirez, la lumière et la décoration de cette pièce, les vêtements et les gestes des gens… Tout cela sans fuir les émotions désagréables ressenties, mais en invitant d’autres éléments à votre conscience ». Ainsi, le flot émotionnel est toujours là, mais peu à peu il va s’écouler de manière différente. En pratiquant régulièrement, la personne va réussir à guérir de façon rapide et spectaculaire.

La psychologie contemporaine s’intéresse aux grandes émotions, franches et entières, et se préoccupe peu des états d’âme. Les grandes émotions nous possèdent totalement, mais ne durent pas. Des état d’âme, eux, émotions plus subtiles, sont tenaces et influentes et peuvent durer des jours, des semaines ! Christophe ANDRE considère qu’elles sont incroyablement importantes, et que l’essentiel de notre vie intime est fait d’un tissage d’états d’âme.

QUATRIEME PARTIE : NOTRE CERVEAU RESTE UNE ENIGME

De quoi sont faits nos rêves ? Les neurologues croient aujourd’hui que, pendant le sommeil paradoxal, le cerveau, libéré du contrôle conscient exercé par les lobes frontaux du néocortex, remodèle les réseaux neuronaux. A quoi ressemble ce remodelage ? Mystère ! Tout ce à quoi vous avez accès, c’est la traduction qu’en a fait votre moi conscient à la dernière seconde, juste au moment éclair du réveil, à la sortie de votre rêve.

Jean-Pol TASSIN, neurobiologiste est spécialiste des addictions. Les substances (cocaïne, morphine, cannabis, héroïne, amphétamines, alcool, tabac) envoient dans nos neurones, via le système sanguin, des molécules qui s’immiscent dans le fonctionnement des synapses. Ces nano-espaces entre les cellules nerveuses abritent les allers-retours ultrasophistiqués de la bonne centaine de neuromédiateurs existants (adrénaline, sérotonine, acétylcholine, dopamine..) qui modèlent nos états intérieurs, pulsion, émotions, décisions, inhibitions, sentiments et états d’âme. L’effet de ces drogues est toujours le même : libérer de la dopamine, qui vient stimuler artificiellement le « circuit de la récompense » dans le cerveau, ce qui nous procure la sensation de plaisir.

TASSIN considère 2 réseaux neuronaux : celui de base, soit 99 % des neurones, qui traite toutes les opérations de la vie (sens, motricité, décisions, volonté, mémorisation… Le second  compte moins de 1 % des neurones, superposé au premier, dans un rôle de modulateur, rôle capital ! En effet, selon les circonstances, ce réseau modulateur peut décider d’affecter telle tâche corticale au cerveau cognitif lent (on en aura donc conscience, on pourra en parler, le mémoriser…) ou bien la tâche sera confiée à des instances inconscientes, en analogie rapide. Par exemple, on peut respirer sans y penser, en analogie rapide ; on peut aussi le faire de façon volontaire ce qui entre alors dans le champ de notre cerveau cognitif lent.

Lorsque nous nous endormons, le système modulateur de nos neurones noradrénalinergiques et sérotoninergiques cesse de fonctionner (sinon, c’est l’insomnie garantie) et le cerveau cognitif lent est hors circuit ; toutes les informations sont traitées de façon analogique rapide. C’est le sommeil paradoxal. TASSIN affirme que ce n’est pas le temps du rêve, car celui-ci ne surviendrait qu’au moment du réveil. On se réveille car nos neurones modulateurs se sont mis à fonctionner, même une fraction de seconde. Notre cerveau cognitif lent se réveille, même brièvement, et en une fraction de seconde, fabrique une histoire… (une image par 5 centièmes de seconde). Notre sommeil est constellé de miro-réveils neuronaux de survie. Bref, c’est toujours l’énigme …. Si le scénario de nos rêves s’écrit à la seconde où nous nous réveillons, que se passe-t-il lors du sommeil paradoxal ?

L’apprentissage n’est possible que grâce à la plasticité neuronale. Nos connexions dendritiques ne cessent de fabriquer de nouvelles synapses et d’en dissoudre d’autres. Quand on apprend qq chose de neuf, certains circuits se créent, d’autres non réactivés dépérissent. Toutefois, certaines voies neuronales installées ne s’effacent plus : quand on a appris à monter à vélo, c’est pour la vie. Quand on observe les cerveaux de personnes ordinaires et de moines ou grands méditants devant des situations à fort contenu émotionnel négatif, tout le système neuro-immuno-endocrinien des personnes ordinaires se trouve ébranlé avec une forte réaction de stress, suite à une forte activation de leur néocortex droit. Cette réaction est faible chez les nonnes par exemple.

Ensuite, les 2 groupes étudiés rassemblaient des méditants de plus de 10.000 h et de plus de 40.000 h, histoire de ne pas supposer un biais génétique (ceux qui ont choisi la voie de la prière ou de la méditation étaient peut-être prédisposés à cette vie). La seconde catégorie était peu stressée par les situations fortement négatives, et retrouvaient plus vite un etat d’émotions agréables, avec un néocortex gauche fortement activé, et une meilleure défense   immunitaire. Nous pouvons donc inverser les effets dévastateurs d’un contexte émotionnellement négatif par la méditation

De nos jours il existe un débat stérile entre les 3 grandes voies de la psychologie : la psychanalyse, le comportementalisme et la psychologie humaniste, au lieu de les considérer comme complémentaires.

« Éloge de la fuite » de Henri Laborit

par Laurent CHATAING

ÉLOGE DE LA FUITE

Henri Laborit

Fiche de lecture par Laurent CHATAING

PROMOTION 8  PSYCHOPRATICIEN LE
 MAI 2015


L’éloge de la fuite est l’ouvrage qui, avec « mon oncle d’Amérique », le film d’Alain Resnais, a fait connaitre Henri Laborit au plus grand public. Il marque une étape dans le regard que l’homme porte sur son existence, nous invitant à nous voir comme des êtres vivant…pour vivre, obsédés par la recherche de dominance. Celle-ci peut être décrite comme l’a fait H. Laborit, comme la dominance des individus entre eux. Elle peut aussi être vue comme la recherche de dominance vis-à-vis du seul fait d’être mortel et animé par un système nerveux largement non conscient et automatique et qui nous contraint à notre seule subjectivité !
Les travaux de H. Laborit ont ouverts la voie aux neurosciences. Nous ne pouvons que rendre hommage à ce chercheur exceptionnel. Merci à Laurent pour cette fiche de lecture si complète et de ses propres commentaires au fil de la présentation.

C.APerissol


ÉLOGE DE LA FUITE
Henri LABORIT  1914 – 1995

Initialement chirurgien, il s’oriente vers la recherche avec la découverte de plusieurs psychotropes dont le 1er  neuroleptique, la chlorpromazine, de techniques d’hibernation et d’anesthésier pour la chirurgie, il se passionne également pour l’étude de la biologie des comportements, ce qui lui permet d’éclairer d’un jour nouveau de nombreux pans de l’activité humaine.
 Il a milité pour le décloisonnement scientifique, (suggérant des équipes de mono-techniciens poly conceptuels) , seul garant d’une approche globale de phénomènes complexes comme le vivant , à l’encontre de la tendance moderne au réductionnisme ,mettant en avant pour cela  l’importance de la notion de niveaux d’organisation et de son corollaire =le fait qu’une structure est toujours plus que la simple somme des éléments qui la composent
 
INTRODUCTION

nous ne vivons que pour vivre, grâce à notre système nerveux (SN) qui n’a comme rôle que celui d’agir pour maintenir notre structure, grâce:

  •    aux pulsions ; boire, manger, copuler étant les principales, (cerveau reptilien)
  •    à l’apprentissage de ce que l’extérieur modifie de nos pulsions (cerveau limbique)
  •    qui permet l’apparition de l’imaginaire (cerveau cognitif)

 
le fait que les mammifères ont un cerveau limbique, qui mémorise le fait que pour obtenir un objet ou un être gratifiant ,nous nous trouvons toujours en compétition avec nos semblables, explique  l’obligation que des systèmes hiérarchiques de dominance se retrouvent dans toutes les organisations humaines  (d’où le titre du livre car LABORIT pense que la seule façon d’échapper à l’aliénation à la hiérarchie est la fuite )
 
le moyen  de la dominance a évolué :il est passé de  la force physique  au capital , puis à la possession des outils de production, puis désormais à la possession d’un  degré d’abstraction intellectuel nécessaire à inventer des outils techniques de plus en plus sophistiqués (dont les armes qui permettront de soumettre par la force(on y revient !) les dominés, entre autre pour leur voler les matières 1éres que les dominants ne possèdent pas sur leur niche écologique d’origine)
De ce fait pour un simple problème de probabilité, les  pays à forte population ont plus de chances de rester/devenir dominants du fait du nombre théoriquement supérieur de « cerveaux » qu’ils possèdent
 
Rester normal devient alors » rester normal par rapport à soi même « , pour cela il faut conserver la possibilité d’agir : 4 cas de figure
l’action gratifiante est possible =renforcement de l’action gratifiante (faisceau de la récompense (MFB =médial forebrain bundle))
elle ne l’est pas : les 3 réponses classiques de LABORIT = fuite, lutte, soumission. Les deux solutions médiées par le faisceau de la punition (PVS periventricular systeme )

  • la lutte : mais aboutit soit à la disparition/destruction par le dominant, soit à une réinsertion dans un nouveau  système de dominance
  • la fuite -dans les drogues , la psychose , le suicide-dans l’imaginaire notamment l’art , la recherche scientifique
  • la soumission  elle met en jeu le système d’inhibition de l’action (SIA) endocrinosympathique  qui, s’il reste durablement actif, va donner naissance à l’angoisse et aux affections pyscho somatiques (HTA, dépression, troubles du sommeil, de l’immunité (infections, cancers…).A noter que pour LABORIT notre médecine occidentale est simplement une médecine de l’urgence, puisqu’elle ne traite que la phase finale de tout un processus pathologique causal, qu’elle méconnait totalement.

  A partir de ces notions LABORIT  va nous donner son point de vue sur différents domaines humains (l’Amour ,la  politique , la foi…) où il va mettre l’accent sur notre totale absence de liberté liée au fait que nous sommes dirigés par notre inconscient,  toujours dans le sens de la dominance , et que nous habillons tout ceci de belles phrases totalement creuses ,sans rapport avec la réalité.
 
 L ‘ AMOUR


   -c’est pour lui un mot dangereux puisque de tout temps c’est une tunique honorable pour toutes les atrocités humaines : l’Amour de la Justice, de la Patrie, de Dieu…a mené …aux croisades, inquisition, guerres, exécutions, tortures …
-l’amour entre deux êtres humains nait du renforcement de l’action gratifiante, autorisée par l’autre  dans notre espace opérationnel
 -le refus de ce renforcement par l’autre ou son caractère partiel (infidélité) blesse l’image idéale que l’on se fait de soi, notre narcissisme, et initie soit la dépression, soit l’agressivité, soit le dénigrement de l’être aimé
 -pour que l’amour soit heureux il faut admettre sa part imaginaire, créatrice, culturelle, et surtout ne pas vouloir la calquer sur l’être réel sous peine de déception
 -le vrai amour devrait être inconditionnel, mais il est alors souvent taxé d’indifférence
 -dans l’amour au sens large=l’altruisme, il n’y a rien de remarquable, c’est uniquement une satisfaction de nos pulsions
 
UNE IDÉE DE L’HOMME


 -le langage n’est qu’une interprétation logique/rationalisation  des faits de conscience qui sont eux la conséquence des pulsions et acquis culturels inconscients
 -les hiérarchies de dominance sont ainsi justifiées par le discours, ce qui est une tromperie
 – le rêve est une libération de l’inconscient
 
 L’ANGOISSE

 -la source profonde de notre angoisse existentielle est notre solitude ontologique et la certitude de notre fin programmée
 -la pensée omniprésente a fait oublier le caractère indispensable au SN de l’action=tout empêchement de celle-ci génère de l’angoisse
 -les raisons de l’empêchement de l’action:
   .1.le plus souvent conflit entre les pulsions et les interdits socio culturels
   .2.le déficit informationnel sur l’avenir
   .3.à l’inverse, la surabondance informationnelle (ex des médias)
   .4.l’imagination anticipatrice (du pire bien entendu)
 -l’angoisse de la mort peut faire appel à 1.2.4 à la fois
 
LA CULTURE
 
-toutes les idéologies imposent le rôle producteur de l’homme et la culture comme soupape des dominés, pour maintenir leur force de travail et éviter leur révolte
-l’art est une fuite, dans le sens où rien ne peut objectivement permettre de le juger objectivement, à ceci prés que la fuite peut être annulée lors de la reconnaissance par la société de l’artiste par son insertion dans le système marchand
-la culture est un bric à brac de jugements de valeurs =comment pourrait il en être autrement, alors que la clef des « choix » de l’homme a été cachée dès son enfance sous son oreiller  et qu’il n’a jamais eu l’occasion de faire son berceau, sa mère s’en charge?  
> L’ENFANCE
 
 -l’influence du milieu environnant est prépondérante, dès la phase intra utérine, avec deux réactions possibles: conformisme /anticonformisme
 -la seule chose innée est la recherche de l’objet/être  gratifiant
> -la seule éducation valable serait  le relativisme = »il n’existe pas de certitudes ou alors temporaires » « nous acceptons la socio culture comme un moyen imparfait et temporaire de vivre en société, à réinventer . » avec la difficulté que sans repères l’enfant (et l’adulte souvent) font connaissance avec l’angoisse
 -attention à l’amour parental -auto admiratif à travers les enfants
                                           -auto satisfaisant à travers l’ascension des enfants plus hauts que soi
 -avant de proposer à vos enfants de faire leur bonheur, veiller à ne pas participer à leur malheur : ce qui ne sera possible que si vous mourrez précocement, occasion pour eux de vous transformer en mythe qu’ils pourront alors façonner suivant leur désir
 
 LES AUTRES
 
 -le SN vierge de l’enfant ne deviendra humain qu’au contact des autres (un enfant sauvage ne deviendra jamais humain) à tel point qu’il peut n’être plus qu’eux
 -mais les autres sont à la fois :
    .en compétition avec nous pour l’objet/être gratifiant ,d’où établissement des échelles de dominance
    .nécessaires pour former des groupes où l’on se sent plus fort=le plus basique étant la famille
 -l’intérêt pour l’espèce est  une nécessité pour le maintien de sa structure
 
 LA LIBERTÉ
 
 -elle n’existe que par l’ignorance de ce qui nous fait agir=l’inconscient
 -or celui ci est régi par des règles strictes =la sauvegarde de notre organisme
 -admettre l’absence de liberté de chacun enseigne la tolérance
 
LA MORT
 
 -l’individu ne s’appartient pas , il est constitué par la confluence des autres, ce qui explique la douleur lors d’un décès =on pleure sur la partie de l’autre en nous, de même  notre mort est la mort des autres en nous
 -le rôle de l’être humain c’est de transmettre ce qu’on lui a appris, sans le déformer, sans l’imposer non plus en formatant l’enfant, l’idéal étant  quand l’homme rajoute au message quelque chose de propre à lui
 -la vraie famille de l’homme ce sont ses idées, véhiculées de génération en génération par les SN qui se succèdent
 
 LE PLAISIR
 
 -il est lié à l’accomplissement de l’action gratifiante
 -il est recherché par tous, même les biens pensants, même le suicidé pour qui supprimer la douleur est un plaisir
 -mais l’action gratifiante est en compétition avec celle des autres (avec les 4 attitudes possibles vues plus haut), d’où les lois , la hiérarchie
 -plus le besoin à assouvir est puissant, plus ce que l’on appelle « la volonté » est forte
 
LE BONHEUR
 
 -c’est un état stable=c’est être capable de désirer, d’exprimer du plaisir à la satisfaction de ce désir, du bien être quand il est satisfait, en attendant le retour du désir pour recommencer
 -l’obstacle là encore est les échelles de dominance, avec lorsque le différentiel de gratification dominant/dominé est trop important  (pays sous développés) des explosions de violence généralisée, l’interdépendance dominants /dominés dans les pays développés générant plus de l’inhibition de l’action , la violence étant alors là ,ponctuelle, de type terroriste
 
 LE TRAVAIL
 
 -il a perdu sa valeur d’intégration à un tout (sociétal, planétaire..
 -il sert désormais à maintenir, par sa plus value, les dominances (bien entendu dans le capitalisme, mais également dans le socialisme dévoyé où la dominance est bureaucratique)
 -l’homme a classé le chaos du monde avec la science pour agir  ais ce faisant il s’est coupé de celui là , ne réalisant pas qu’il fait partie intégrante de la biosphère et qu’en lui portant atteinte il s’autodétruit ; il ne propose actuellement  comme but dans la vie que la production d’objets pour la production d’objets et la publicité pour lui donner envie de les acquérir
 -il faudrait que l’homme ait plus de temps libre pour s’interroger sur lui-même (mais les dominants n’y ont pas intérêt !!)
 -pour LABORIT réaliser que ni la liberté, ni la décision, ni la responsabilité n’existent, devrait faire disparaitre la motivation de s’élever dans la hiérarchie et l’adhésion à la production pour la production
 
 
 LE SENS DE LA VIE
 
 -les processus vivants étant programmés come ils le sont , il s’agit moins de savoir comment? par qui ? que  » à quelle action aboutissent-ils? »
 -pour LABORIT le sens de la vie  serait de mettre en commun les capacités des hommes pour augmenter le niveau d’information
 -il pense que le dernier niveau de conscience des déterminismes à atteindre « le signifié de la vie « , si tant est que cela soit possible un jour, serait la découverte du niveau de déterminisme cosmique de notre présence ici bas
 -la violence qui s’ignore ou se croit justifiée est contraire  à l’évolution de l’espèce :il faut la combattre et pardonner aux inconscients qui la génèrent
 
LA POLITIQUE
 
 -LABORIT  est  pessimiste du fait des dominances qui sont évidemment présentes
 -pour lui il faut que chaque groupe humain comprenne que,  comme une cellule dans un organisme vivant, son seul intérêt devrait être le fonctionnement harmonieux de notre grand organisme qu’est l’espèce humaine
 -que pour celà il faudrait que la gestion des ressources primaires, de l’énergie et de l’information se fasse à l’échelle planétaire , mais avec le risque qu’une dominance s’y établisse (si ce n’est pas déjà fait:grandes puissances , multinationales , industries d’armement maintenant le chaos…)
 -pour un projet de société idéale ce n’est pas l’utopie qui est dangereuse, mais le dogmatisme utilisé pour maintenir dans l’erreur une dominance
 
 LA FOI
 
 -son apparition est liée à l’angoisse existentielle
 -elle se trouve souvent être utile à deux systèmes historiques de dominance fréquemment alliés =le politique et le religieux,
 en promettant une récompense dans l’au delà, elle tempère la révolte ici bas
 -comme thérapeutique de l’angoisse elle a été remplacée par la science mais celle ci a déçu, car elle organise la vie, mais ne lui donne pas un sens
 -le signifié que nous croyons découvrir aujourd’hui dans le message du Christ est celui que nos connaissances actuelles du signifiant nous permettent de comprendre. Cependant le plus troublant, c’est que cet imaginaire incarné, qui, en conséquence, ne peut être autre chose que ce que nous sommes, puisse contenir un invariant suffisamment essentiel pour, toujours et partout, guérir l’angoisse congénitale de l’homme
 
 COMMENTAIRES  PERSONNELS
 
 Le message parait cynique, mais quand on voit que effectivement le progrès technique n’a pas effacé les horreurs des premiers temps de l’homme (guerre, torture..) on peut penser avec LABORIT qu’il y a une science à développer d’urgence =celle des comportements humains, ce à quoi s’attache la Logique Emotionnelle  pour que  l’on puisse apprendre à chaque être humain les racines de son fonctionnement , l’enseigner aux enfants , pour que tout être humain puisse ainsi acquérir une possibilité de modifier ses comportements (dans le sens d’une absence d’automatismes, de l’acquisition d’une motivation non hiérarchique,…grâce au temps libre, à l’information généralisée…)  , et puisse   consacrer son imaginaire à la recherche d’autres types d’organisations humaines à l’échelle de l’espèce .
 
Le tout est résumé dans une proposition qu’il fait dans « la nouvelle grille » :
remplacer « liberté, égalité, fraternité »  auquel vous avez compris qu’il ne croit pas !  par :
 conscience  (des déterminismes)  connaissance   (des mécanismes)   imagination   (pour la survie de notre espèce)

« Le sacrifice interdit » de Marie Balmary

par Véronique Boillot

« LE SACRIFICE INTERDIT »

MARIE BALMARY

SE DIFFERENCIER POUR DEVENIR SOI En quête de lʼAltérité

Fiche de Lecture de Véronique Boillot  Promo 7 avril 2015


Marie Balmary (MB) est psychanalyste. Son œuvre est construite sur une relecture des récits fondateurs de la parole, la Bible et les Évangiles, tous deux reliés à lʼexpérience de la vie, celle de lʼinconscient pour la psychanalyse, celle de la révélation pour la tradition biblique. La Bible est lue dans sa langue originelle (MB a appris pour cela lʼhébreu pendant 10 ans). « Le Sacrifice interdit » (1986) est le 1er dʼune longue série consacrée à ce sujet (Cf Bibliographie in fine).
Ce livre est très dense, avec de nombreux apartés et retours en arrière, comme dans une enquête. Jʼai choisi les passages consacrés à lʼAltérité, « le caractère de ce qui est autre », à la relation à lʼAutre, en lien avec la position du praticien LE.


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Le fondateur de la psychanalyse a rompu avec la foi et le judaïsme pour développer une théorie scientifique, qui exclut toute référence à la religion. Il a tenté de percer le mystère des origines de la vie spirituelle de lʼhomme avec le complexe dʼŒdipe (lʼenfant séducteur, prêt à tuer son père pour posséder une mère convoitée).
Or, nous dit MB, Freud a « omis » de parler dʼun crime originel : un acte de séduction et de rapt homosexuels commis par Laïos, le père dʼOedipe, à lʼégard du fils de son hôte, entraînant le suicide du jeune homme. Ce crime fut puni dʼune malédiction, lui interdisant dʼavoir un fils, sinon celui-ci le tuerait. Lʼorigine des malheurs dʼŒdipe ne serait pas dans les désirs parricides et incestueux du fils, mais dans le crime du père. Pourquoi Feud nʼen avait-il pas tenu compte ? MB ne pouvait « plus voir en Œdipe, ni voir en lʼhumain, le seul responsable de son destin ou de sa névrose ». Elle décide de relire la Bible avec un regard neuf.


Freud contre le totalitaire


Église, famille, parti : Freud parle de « foules conventionnelles », dʼhommes rassemblés par lʼaliénation, réunis par fusion. Mais, sʼinterroge MB, quand le Christ demande-t-il aux humains de renoncer à leurs différences, leur identité, leur conscience ? Dans la tour de Babel, cʼest tout le contraire : on y parle du lien qui unit les hommes en société et de la langue. Chacun unique, jamais deux fois le même.
Ainsi, dans le texte biblique, « YHWH descend pour voir la ville et la tour » et sʼaperçoit que les hommes sont en danger car la parole est devenue « une masse amorphe de particules privées de signification », quʼils ont perdu la négation car elle risque de disperser, dʼopposer. Pour MB, ce texte dénonce le mensonge dʼune harmonie sans différences. Celui qui la rompt est celui qui sauve de la mort.


Jésus, porteur du couteau


Le divin apparaît en « ennemi du oui sans non », en « ennemi dʼune harmonie qui ne serait quʼunisson » Dans lʼEvangile de Luc ainsi que dans lʼEvangile de Matthieu :


« Ne pensez pas que je vienne jeter la paix sur terre. Je ne viens pas jeter la paix, mais lʼépée. Oui, je viens dresser lʼhomme contre son père, la fille contre sa mère, la bru contre sa belle-mère, ennemis de lʼhomme, les gens de sa maison ».
Plutôt que de « dresser contre », il sʼagit de « faire deux », de séparer une personne dʼune autre. « Je tʼaime parce que tu es (à) moi » ne diffère de « je tʼaime parce que tu es toi » que par lʼépaisseur dʼune lame de couteau. Celui qui aime selon le 3, qui admet le tiers séparant, le passage du couteau, seul celui-là se situe en véritable être parlant, ne revendiquant pas lʼêtre de lʼautre comme le sien, il ne parle plus quʼen son nom propre.
A relier en LE aux Etapes 1 & 2 (Endosser sa douleur + Mesurer lʼusage de son JE) et aux Niveaux dʼattachement.


Le sacrifice dʼAbraham


« Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac, va pour toi en terre de Moryah, là, monte-le en montée sur lʼun des monts que je te dirai ».
Une des lectures conduit à penser que Dieu veut que lʼhomme soit obéissant jusquʼà la mort. Mais MB en propose une autre : Les traductions disent « immole-le » ≠ « monte-le ». Dieu ne demande pas à Abraham de tuer son fils mais de le faire monter. Le mot « montée » peut sʼentendre comme « faire monter en immolant », au sens « élever vers lʼAutre », ne pas « retenir » (pour soi) de Lui.
Et le messager divin arrête Abraham : « Ne lance pas ta main vers lʼadolescent, ne lui fais rien ! Oui, maintenant, je sais que toi tu frémis dʼElohim (Justice) ! Pour moi tu nʼas pas épargné ton fils, ton unique. » Or, le verbe quʼon a traduit par « épargner » veut dire littéralement « retenir ». Craindre Elohim : respecter le Créateur qui sépare ses créatures et qui garde entre elles leur écart. La substitution finale d’un bélier est le symbole de fin des sacrifices humains et des idoles. Abraham est passé dʼune soumission à un dieu de mort à une loi divine qui protège la vie humaine.


Isaac, le fils libre


Abraham a donné son fils. Mais le divin ne le prend pas. Il ne le fait pas sien ; Isaac nʼest plus possédé. Isaac, fils dé-possédé, a disparu du champ sacificiel de la possession paternelle. Il est un fils différencié.
Ainsi de nous et de nos enfants : nous les « élevons » en ne les retenant pas de leur place « dans le nom divin », où se dressera leur être parlant en 1e personne.

Freud, le fils lié


YHWH dit à Abraham : « Va pour toi, de ta terre, de ton enfantement de la maison de ton père, vers la terre que je te ferai voir ». « Va pour toi ou Va vers toi ». YHWH est celui qui appelle lʼhomme vers lʼhomme. Nietzsche dira « Deviens qui tu es » et Freud « Où ça était, je dois advenir ».
Abram a obéi à la parole de Dieu, mais désobéi à la demeure de ceux qui lʼont abrité. Lʼhomme, pour accéder à la Parole tue symboliquement père et mère et sʼen va libre de servitude.
Mais cʼest impensable pour Freud. Le meurtre symbolique ne concerne chez lui que le père. « Qui remplacera, en cas de malheur, le fils à la mère ? ». Cʼest pour Freud la seule vraie question, il ne se la posera ni pour son épouse, ni pour ses enfants. A la mort de sa mère, il éprouve « un sentiment de délivrance dont (il croit) comprendre la raison. Cʼest que je nʼavais pas le droit de mourir tant quʼelle était encore en vie, et maintenant jʼai ce droit».
Abram a 75 ans au moment où cet appel lui est adressé, où lʼavenir humain sʼouvre à lui. Cʼest aussi celui de Freud à la mort de sa mère. Comment Freud, libre penseur, reste-t-il dans lʼobligation de vivre tant que sa mère est vivante ?
Quelle parole lui a fait défaut, qui lʼeût autorisé à quitter cette mère qui possède encore sa vie, qui ne lʼa pas vraiment mis hors dʼelle ?


Sacrifice de soi, Non-violence et Altérité


Pour les chrétiens, le sacrifice d’Isaac préfigure celui du Christ. MB propose une lecture « non sacrificielle » : ce nʼest pas Jésus qui se sacrifie pour obéir à son Père, mais Jésus qui, en homme de paix, refuse, fût-ce au prix de sa vie, de sacrifier lʼautre.
MB : la non-violence est-elle le sacrifice de soi ?
MB retourne au texte évangélique (Matthieu) : « Quelquʼun te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi lʼautre ». Pour MB, ce nʼest pas la seconde joue, cʼest une autre. Si je frappe sur la joue celui qui me frappe sur la joue, nous ne sortons pas de la symétrie. Si je tourne vers lui, non pas la seconde joue, mais lʼ « autre » joue, je nʼentre dans aucun mimétisme avec lui.    .
Si lʼanalyste accepte de se laisser conduire sur le terrain de lʼanalysé, lieu où il est attendu comme semblable, lʼanalyste peut présenter à lʼanalysé lʼécart de lʼaltérité. Idem en LE, avec lʼEcoute Résonnante, qui permet à lʼEcoutant dʼêtre en relation et aussi dʼêtre en sécurité.
MB met en garde contre la tentation de la perfection (idem en LE). « Le thérapeute nʼa pas à être quelque chose, mais seulement (et cʼest beaucoup) savoir se placer comme autre. Accepter que lʼautre ne soit pas lui, à lui, comme lui ; et aussi que lʼautre ne soit pas lui-même prêt à reconnaître quelquʼun dans lʼaltérité ».


Lʼaccès à « Je suis »
(Naître dʼen haut)


La saga dʼAbraham nous parle du travail quʼaccomplit lʼâme humaine avec lʼaide du divin pour parvenir à dire « Je » et « Tu » en vérité, sans dévoration ni possession. = LE : Etapes 1 et 2 à nouveau, E et M, les plus importantes dans le chemin.
Mais je viens sur son terrain et là, je lui présente lʼaltérité
« Cette voie, explique MB, me concerne en tant quʼanalyste. Nous sommes en effet des accoucheurs dʼâme et nous travaillons à ce que des êtres puissent se libérer de ce qui, après leur avoir fait matrice et maison, leur fait à présent prison et destin ». En lien avec Etape 5 de la LE : Identifier mes RDD et mes attachements
Pour « naître dʼen haut », accéder à la parole, impossible de ne pas détruire/sacrifier. Le commencement dʼun être humain, cʼest sa conception par son père et sa mère. Mais une fois quʼil parle en tant que « Je », il rejoint son origine. = Après être né dʼen bas, par le sexe et par la chair, il sʼagit de naître dʼen haut, de lʼintérieur, du commencement.


Devenir humain en se différenciant

Abraham est celui qui ne dira plus possessivement : ma terre, mon père, ma mère, ma femme (ma sœur), mon sexe, mon fils. Pas même mon dieu : 7e libération.
Sa parole était malade. Lui et le divin effectuent la guérison de la parole par la parole.
Quel mal est donc à lʼorigine de cette maladie du Verbe ? MB va se pencher sur le texte de la faute originelle.
« En Eden » : Texte fondateur sur le début de lʼhumanité.
YHWH Elohim prend lʼhomme et le dépose dans le jardin dʼEden et lui dit :
« De tout arbre du jardin, tu mangeras, tu mangeras. De lʼarbre à connaître le bien et le mal, tu nʼen mangeras pas, car du jour où tu en mangerais, de mort tu mourrais ». Puis il bâtit Eve pour que lʼhomme ne soit pas seul. Tous deux sont nus, lʼhomme et la femme. Ils nʼont pas honte.
Le serpent dit à la femme « Non ! Vous ne mourrez pas. Car Elohim le sait : du jour où vous en mangeriez, vos yeux se dessilleraient et vous seriez comme Elohim, connaissant le bien et le mal ». La femme prend le fruit, le mange, en donne aussi à son homme. Leurs yeux se dessillent. Ils savent quʼils sont nus. Ils cousent des feuilles de figuier et se font des ceintures.
Adam entend la voix de YHWH Elohim : « Où es-tu ? » « Ta voix, je lʼai entendue dans le jardin et jʼai eu peur parce que je suis nu. Je me suis caché ». (la 1e fois où lʼhomme dit « je », cʼest pour dire « jʼai peur »). « Qui tʼa informé de ce que tu es nu ? De lʼarbre dont je tʼavais ordonné de ne pas manger, as-tu mangé ? »
Première lecture possible : Dieu nʼavait pas donné à lʼhomme la connaissance du bien et du mal qui lui était réservée. Mais, si tel est Dieu quʼil donne la vie à lʼhomme sans la connaissance, quʼil lʼenferme dans une obéissance infantilisante lui interdisant de vouloir lʼégaler, ce Dieu est pervers. Dieu ne veut pas que lʼhomme le quitte, quʼil grandisse, quʼil devienne autonome.
Mais, propose MB, lʼarbre où se trouve le fruit est celui sur lequel est posé lʼinterdit divin, parole gardienne de ces différences. En manger, cʼest détruire la parole du dieu créateur et donc détruire la différence humain-divin et, derrière elle, la différence des générations. Lʼhumain perd alors lʼécart nécessaire à sa propre identité. = La Bible fait récit de la destruction dʼune place, celle du divin tiers témoin, garant de lʼaltérité. Lʼarbre de lʼautre, de la différence, a été mangé.
Cette lecture permet un changement de perspective qui fait apparaître l’Éden non plus comme le lieu d’une faute première, mais comme un lieu d’épreuve, un lieu qui raconte l’humanité arrivant devant elle-même : homme et femme, différents, et ayant à faire quelque chose de la différence des sexes.

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Au terme de cette enquête, Marie Balmary tire 4 enseignements :

  1. Elle a mieux apprécié lʼétonnant mouvement de Freud qui sʼest interdit de recourir à lʼhypnose, de « gouverner en lʼautre » = forme de sacrifice interdit.
  2. Lʼimportance des mythes dʼorigine en chacun de nous. LE = importance de lʼexpérience archaïque
  3. Le sujet qui sʼéveille commence par inhiber toute commande dʼautrui en lui, provoquant un « ralentissement psychomoteur ».= LE : ralentissement et infusion
  4. Le mystère. « En tant quʼobjet vivant du monde, lʼhomme peut être connu scientifiquement, parce quʼil se répète. Mais en tant quʼhumain, lʼhomme est aussi ce qui nʼest pas encore et lʼâme humaine, ce par quoi nous échappons à toute définition ». (Gustave Thibon, philosophe français, 1903-2001) Pour MB, « Celui qui arrive chez un psychanalyste est inconnu, venant à un inconnu. Lorsquʼil en repart, il est mystère ».

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Jʼai adoré le travail de MB qui pose des questions, remet en cause, ré-interroge les évidences, enquête, sʼintéresse à des détails, émet des hypothèses, ainsi que sa manière de décortiquer, de malaxer les mots. Certains passages, que je nʼai pas relatés ici, sont passionnants, comme le changement de nom de Saraï, femme infertile dʼAbraham, parce que « princesse de moi-son père » en Sarah, « princesse pour elle-même », ou dʼAbram en Abraham, avec lʼajout du « hé » féminin, la marque du manque féminin chez lʼhomme, à lʼimage de la circoncision.
* Bibliographie Marie Balmary
L’Homme aux statues. Freud et la faute cachée du père (1979) Le Sacrifice interdit. Freud et la Bible (1986) La Divine origine. Dieu n’a pas créé l’homme (1993) Abel ou la traversée de l’Eden (1999)
Je serai qui je serai (2001) Le Moine et la psychanalyste (2005) Fragilité, condition de la parole. La fragilité, faiblesse ou richesse ? (2009) Freud jusqu’à Dieu (2010)

« Spinoza avait raison » d’Antonio Damasio

Par Jocelyne Pringard (mars 2015) PLE – 8

Joie et tristesse, le cerveau des émotions


Ce livre, en fait, c’est un peu la rencontre d’un philosophe et d’un neuroscientifique à 400 ans d’écart.


Spinoza a vécu 44 ans de 1632 à 1677. Juif portugais, exilé en Hollande, il a été banni à 24 ans pour ses idées. Il remettait en cause la religion. il était d’une famille riche, conscient d’avoir été privilégié pour l’apprentissage de la culture.


Chez Spinoza, Dieu existe : mais c’est la nature qui s’exprime à travers les créatures vivantes.


Damasio a été interpellé par Spinoza.


Il l’a lu à l’adolescence, l’a trouvé fascinant et rébarbatif (1), l’a  oublié et l’a redécouvert (2). Il avait noté une phrase un jour sur un papier, et à un moment de sa vie, après ses travaux scientifiques, il a relu cette phrase et s’est aperçu que cela avait une correspondance avec ses travaux . Cette phrase c’était :
« Le fondement de la vertu est l’effort même pour conserver son être propre… et le bonheur consiste pour l’homme à vouloir conserver son être. « 
Spinoza a eu une intuition biologique de la nature de l’homme.
En effet, si Descartes dit qu’il y a le corps et l’esprit, il ne dit pas comment se passe l’interaction. Spinoza (3) cherche à surmonter ce problème des deux substances (Corps et esprit) et comment les intégrer.
Pour Spinoza, l’esprit et le corps jaillissaient parallèlement de la même substance inter-agissante et agissaient en symbiose à travers les différentes manifestations tant du corps que de l’esprit.
Spinoza comme Damasio disent que la joie et la tristesse sont des idées du corps qui s’efforce de manœuvrer pour atteindre un état de survie optimal. La joie et la tristesse sont des révélations mentales de l’état du processus vital.
Le signal émotionnel accroit l’efficacité du raisonnement et l’accélère. Nous retrouvons là des résonances avec la Logique Émotionnelle.
Damasio vérifie tout cela à travers des expériences scientifiques. Dans le livre, il y a un va et vient permanent (4) entre les « intuitions » de Spinoza et les découvertes de Damasio.
Damasio est portugais également. Il est né en 1944. Il est professeur de neurologie et parmi ses découvertes, il y a : la démonstration que les émotions sont impliquées dans la prise de décision.
Pour lui (comme pour Shakespeare cité dans le livre 5), les émotions précèdent les sentiments.
Mieux, il a réussi à le démontrer scientifiquement.
Damasio travaillait sur une malade atteinte de la maladie de Parkinson et comme souvent c’est par hasard qu’il a démontré que l’émotion précède le sentiment. Son équipe et lui faisaient des tests sur un traitement qui consistait à provoquer des réactions par des électrodes.
Sur une patiente, cela a déclenché une expression de tristesse, puis elle s’est mise à pleurer et a expliqué à quel point elle était triste.
Le praticien a arrêté l’expérience et 90 secondes plus tard, le comportement de la patiente est redevenu normal.
Ce qui est remarquable, c’est que les pensées liées à l’émotion ne venaient qu’après que l’émotion ait commencé.
Il y a aussi un chapitre consacré aux sentiments qui sont définis « comme un certain état du corps et un certain état d’esprit ».
« Les sentiments sont nos sentinelles. Ils font savoir à notre soi conscient, fugace et étroit, ce qu’il en est de l’état vécu de notre organisme ».
Le chapitre consacré aux sentiments est plus difficile à appréhender, Damasio est un chercheur.
Ce qui prouve aussi l’importance des émotions et des sentiments dans nos comportements, c’est que des patients ayant des lésions préfrontales restent capables de raisonnement, mais n’éprouvant plus d’émotion et notamment d’empathie deviennent incapables d’avoir une vie sociale normale.
Certains disent que Spinoza est le philosophe des scientifiques, C’est aussi le philosophe de la joie.
Spinoza « interpelle » suffisamment pour que Damasio ait fait ce livre et pour que Yalom ait écrit récemment ce roman passionnant « Le problème Spinoza ».

Concluons avec cette phrase de Spinoza citée par Damasio dans son livre :  » Spinoza nous dit que le bonheur est le pouvoir d’être libre vis-à-vis de la tyrannie des émotions négatives ».

Notes complémentaires :
Spinoza :  » Un sentiment ne peut être contrarié ou supprimé que par un sentiment contraire et plus fort que le sentiment à contrarier ».
Spinoza nous dit donc de combattre une émotion négative avec une émotion plus forte mais positive, apportée par le raisonnement et l’effort intellectuel. L’idée selon laquelle on ne pouvait soumettre les passions que par l’émotion induite par la raison, et non par la pure raison seule est centrale  dans sa pensée.

Shakespeare (p 34) : A la fin de Richard II, Shakespeare annonce que le processus unifié de l’affect que nous appelons indifféremment émotion ou sentiment peut se décomposer en parties.
Les émotions précèdent les sentiments. Ce qu’on retrouvent en L.E. : le cerveau reptilien.
Damasio dit que c’est parce que les émotions sont forgées à partir de réactions simples qui favorisent la survie d’un organisme.
De l’humble amibe à l’être humain, tous les organismes vivants naissent munis de procédés conçus pour résoudre automatiquement sans qu’il soit besoin de raisonner les problèmes de base que pose la vie : trouver des sources d’énergie, incorporer et transformer de l’énergie, préserver un équilibre chimique intérieur compatible avec le processus de vie, se défendre contre les agents extérieurs que sont la maladie et les blessures physiques. Le mot « homéostasie » résume à lui seul l’ensemble de ces régulations.
L’effort continuel pour atteindre un état de vie positivement régulée est une part essentielle et profonde de notre existence, c’est même selon l’intuition de Spinoza la réalité première de notre existence, à savoir l’effort incessant (conatus) de chaque étant pour persévérer dans son être.
Lutte, effort et tendances, tels sont les trois mots les plus propres à rendre compte du terme latin conatus tel qu’il est utilisé par Spinoza dans les propositions 6, 7 et 8 de la troisième partie de l’éthique.
« Chaque chose selon sa puissance d’être s’efforce de persévérer dans son être ».
« L’effort par lequel chaque chose s’efforce de persévérer dans son être n’est rien en dehors de l’essence actuelle de cette chose ».
Les émotions proprement dites, le dégout, la peur, le bonheur, la tristesse, la sympathie et la honte, ont directement pour but la régulation de la vie en conjurant les dangers, en aidant l’organisme à tirer avantage d’une occasion favorable ou indirectement en favorisant les relations sociales.
Damasio6 dit qu’il lui semble que les réactions qui donnent lieu aux préjugés sociaux et culturels sont en partie fondées sur le déploiement automatiques d’émotions sociales que l’évolution a mis en place pour détecter la différence chez autrui, parce que la différence peut signaler un risque ou un danger.  Cette sorte de réaction remplissait des fonctions utiles dans les sociétés tribales, mais elle n’est plus adaptée et encore moins utile dans nos sociétés.
Damasio classe les émotions en trois catégories : les émotions d’arrière plan, les émotions primaires et les émotions sociales.
Les émotions constituent le moyen naturel pour le cerveau et l’esprit d’évaluer l’environnement à l’intérieur et hors de l’organisme.
La chose déclenchant l’émotion n’a pas besoin d’être présente.
Spinoza l’avait vu  » l’homme est affecté du même sentiment de joie et de tristesse par l’image d’une chose passée ou future et par l’image d’une chose présente. »

Damasio est neurobiologiste et essaye de comprendre notre fonctionnement : Il y a une notion fondamentale des neurosciences cognitives : toute fonction mentale complexe résulte de la contribution concertée de nombreuses régions cérébrales à différents niveaux du système nerveux central plutôt que du travail d’une unique région du cerveau.

il est maintenant bon de se demander à quoi servent les sentiments.
On peut être d’accord avec Spinoza dit Damasio pour dire que la joie est associée à une transition de l’organisme vers une plus grande perfection.
Les cartes liées à la tristesse sont associées à des états de déséquilibre fonctionnel. Cela peut aboutir à la maladie et à la mort.
Dans la plupart des circonstances, les cartes corporelles de tristesse reflètent l’état réel de l’organisme.
Les sentiments sont nos sentinelles. Il font savoir à notre soi conscient, fugace et étroit, ce qu’il en est de l’état vécu de notre organisme.
La joie et la tristesse sont des idées du corps qui s’efforce de manœuvrer pour atteindre un état de survie optimal. La joie et la tristesse sont des révélations mentales de l’état du processus vital.
Différentes types d’actions deviennent associés à différents types d’émotions7.
Un sentiment au ventre peut vous suggérer d’éviter un choix qui dans le passé a eu des conséquences négatives.
Le signal émotionnel n’est pas un substitut du raisonnement proprement dit. Il joue un rôle auxiliaire et accroit l’efficacité du processus de raisonnement et l’accélère.
Bien qu’elle est rarement été dominante, l’idée selon laquelle les émotions sont intrinsèquement rationnelles remonte à il y a longtemps. Aristote, Spinoza le pensaient.
L’étude des émotions sociales n’en est qu’à ses débuts. Exemple du marxisme, de la soumission/dominance.

Proposition 18 de la 4ème partie de l’éthique :  » Le fondement de la vertu est l’effort même pour conserver son être propre, et le bonheur consiste pour l’homme à pouvoir conserver son être. »
Beauté de cette citation : elle contient le fondement d’un système éthique et ce fondement est biologique. Il est le résultat d’une découverte fondée sur l’observation de la nature humaine et non sur la révélation d’un prophète.
La définition du bien et du mal est simple et élégante. les objets bons sont ceux qui suscitent de façon fiable et durable, les états de joie dont Spinoza pensent qu’ils accroissent le pouvoir et la liberté d’agir. Les objets mauvais sont ceux qui produisent le résultat contraire : leur rencontre avec un organisme sont désagréables à celui-ci.
Les bonnes actions sont celles qui, tout en faisant le bien de l’individu via ses appétits et ses émotions naturels, ne font pas de mal aux autres individus. Cette injonction est sans équivoque. Une action qui pourrait être personnellement bénéfique mais ferait du mal à autrui n’est pas bonne, parce que faire du mal à autrui nous hante toujours et fait parfois du mal à celui-là même qui a agi ainsi.
On n’insistera jamais assez sur l’importance des faits biologiques dans le système de Spinoza.
Au bout du compte, tout ce que nous pensons et faisons résulte de certaines conditions et de certains processus antérieurs qu’il se peut que nous ne puissions contrôler. Mais on peut encore répondre catégoriquement « non », aussi fermement et catégoriquement que Kant, aussi illusoire soit la liberté de ce non.

La mémoire et la conscience chez l’être humain. Ce sont ces deux dons combinés ainsi que leur richesse qui donnent lieu au drame humain et lui confère un statut tragique ici et maintenant.
La confrontation avec la mort et avec la souffrance dérange l’état homéostatique.
Spinoza voit dans la bible un réservoir de connaissances utiles sur la conduite humaine et l’organisation civile.
La seule chose qu’on doit redouter c’est notre comportement. Quand on ne parvient pas à être bienveillant avec les autres, on se punit soi-même, ici et maintenant et on s’empêche d’atteindre la paix intérieure et le bonheur, ici et maintenant.

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