L’expérience du temps
L’émotion nous fait vivre une expérience singulière autant qu’universelle : un état modifié de temporalité.
Un état d’urgence s’est déclaré en soi et impose sa loi de survie.
Un emballement tant physiologique que comportemental et cognitif, fait de mouvements, de choix, de ressentis et d’idéaux, de paroles et violence, à des degrés divers et des registres culturels variés certes mais communs aux humains que nous sommes.
Quelque chose de plus fort que soit s’impose à soi et notre rapport au temps s’en trouve bouleversé. Fi alors de nos apprentissages et de nos bonnes résolutions !
Nous nous mettons à l’unisson d’une temporalité qui nous est propre et étrangère à la fois.
Comment est-il possible d’être à ce point hors de soi, redevenu enfant soumis pour certains, éructant de rage pour d’autres ou dans une mauvaise foi criante…
Hors de soi et si intimement soi en train de ruminer et de s’imaginer autre enfin. Quand la tempête s’apaise, nous tentons d’analyser le phénomène pour y trouver du sens : la faute à l’autre qui nous a mis dans cet état, la faute à soi qui aurait dû prendre du recul.
Donner du sens, c’est alors trouver le fautif, ce qui s’avère un ersatz d’apaisement… jusqu’à la prochaine crise.
Mais prenons un peu de temps pour considérer ce phénomène de rupture temporelle et ce qu’il contient comme nécessité existentielle.
Toute réaction, tout comportement répondent à la tendance naturelle et automatique du maintien de la vie, car c’est cela être vivant selon la loi biologique de l’homéostasie. Ainsi, vivre c’est être naturellement soumis au diktat de la temporalité, c’est-à-dire de notre capacité à durer dans le temps. L’expérience du temps est donc l’expérience du délai et de l’attente.
Comment se traduit cette capacité ? Par ce qui définit notre désir : l’attente de quelque chose de soi, de l’autre, des autres, de la société. Comme on attend de la voiture que l’on utilise pour rejoindre notre lieu de vie ou de travail qu’elle fonctionne bien.
De la même manière que le corps tend à réagir dans l’urgence corporelle pour garantir la survie, l’esprit attend, de lui-même et de son environnement de recevoir de quoi prolonger la vie. Nous reconnaissons là le désir.
En tout état de cause, il s’agit de tenir et de tenir bon. Et, en toute bonne foi, de s’en donner les moyens quel qu’en soit le prix.
C’est ainsi que se rejoignent des notions distinctes mais profondément reliées, celles du désir, du temps, de la conscience et de l’attente. Nous sommes des vivants qui attendons.
Il s’agit là d’une loi biologique, racine de notre vie psychique. Une solution de la vie pour elle-même et non un problème à traiter et une invitation à apprendre plutôt que consommer. Car, comme le rappelait Marguerite Yourcenar, « La seule chose pour les turbulences de l’esprit, c’est apprendre. C’est la seule chose qui n’échoue jamais »
Catherine Aimelet-Perissol
Image de Myriams-Fotos par Pixabay