Décrypter l’intelligence vivante de l’émotion

« Éloge de la fuite » de Henri Laborit

par Laurent CHATAING

ÉLOGE DE LA FUITE

Henri Laborit

Fiche de lecture par Laurent CHATAING

PROMOTION 8  PSYCHOPRATICIEN LE
 MAI 2015


L’éloge de la fuite est l’ouvrage qui, avec « mon oncle d’Amérique », le film d’Alain Resnais, a fait connaitre Henri Laborit au plus grand public. Il marque une étape dans le regard que l’homme porte sur son existence, nous invitant à nous voir comme des êtres vivant…pour vivre, obsédés par la recherche de dominance. Celle-ci peut être décrite comme l’a fait H. Laborit, comme la dominance des individus entre eux. Elle peut aussi être vue comme la recherche de dominance vis-à-vis du seul fait d’être mortel et animé par un système nerveux largement non conscient et automatique et qui nous contraint à notre seule subjectivité !
Les travaux de H. Laborit ont ouverts la voie aux neurosciences. Nous ne pouvons que rendre hommage à ce chercheur exceptionnel. Merci à Laurent pour cette fiche de lecture si complète et de ses propres commentaires au fil de la présentation.

C.APerissol


ÉLOGE DE LA FUITE
Henri LABORIT  1914 – 1995

Initialement chirurgien, il s’oriente vers la recherche avec la découverte de plusieurs psychotropes dont le 1er  neuroleptique, la chlorpromazine, de techniques d’hibernation et d’anesthésier pour la chirurgie, il se passionne également pour l’étude de la biologie des comportements, ce qui lui permet d’éclairer d’un jour nouveau de nombreux pans de l’activité humaine.
 Il a milité pour le décloisonnement scientifique, (suggérant des équipes de mono-techniciens poly conceptuels) , seul garant d’une approche globale de phénomènes complexes comme le vivant , à l’encontre de la tendance moderne au réductionnisme ,mettant en avant pour cela  l’importance de la notion de niveaux d’organisation et de son corollaire =le fait qu’une structure est toujours plus que la simple somme des éléments qui la composent
 
INTRODUCTION

nous ne vivons que pour vivre, grâce à notre système nerveux (SN) qui n’a comme rôle que celui d’agir pour maintenir notre structure, grâce:

  •    aux pulsions ; boire, manger, copuler étant les principales, (cerveau reptilien)
  •    à l’apprentissage de ce que l’extérieur modifie de nos pulsions (cerveau limbique)
  •    qui permet l’apparition de l’imaginaire (cerveau cognitif)

 
le fait que les mammifères ont un cerveau limbique, qui mémorise le fait que pour obtenir un objet ou un être gratifiant ,nous nous trouvons toujours en compétition avec nos semblables, explique  l’obligation que des systèmes hiérarchiques de dominance se retrouvent dans toutes les organisations humaines  (d’où le titre du livre car LABORIT pense que la seule façon d’échapper à l’aliénation à la hiérarchie est la fuite )
 
le moyen  de la dominance a évolué :il est passé de  la force physique  au capital , puis à la possession des outils de production, puis désormais à la possession d’un  degré d’abstraction intellectuel nécessaire à inventer des outils techniques de plus en plus sophistiqués (dont les armes qui permettront de soumettre par la force(on y revient !) les dominés, entre autre pour leur voler les matières 1éres que les dominants ne possèdent pas sur leur niche écologique d’origine)
De ce fait pour un simple problème de probabilité, les  pays à forte population ont plus de chances de rester/devenir dominants du fait du nombre théoriquement supérieur de « cerveaux » qu’ils possèdent
 
Rester normal devient alors » rester normal par rapport à soi même « , pour cela il faut conserver la possibilité d’agir : 4 cas de figure
l’action gratifiante est possible =renforcement de l’action gratifiante (faisceau de la récompense (MFB =médial forebrain bundle))
elle ne l’est pas : les 3 réponses classiques de LABORIT = fuite, lutte, soumission. Les deux solutions médiées par le faisceau de la punition (PVS periventricular systeme )

  • la lutte : mais aboutit soit à la disparition/destruction par le dominant, soit à une réinsertion dans un nouveau  système de dominance
  • la fuite -dans les drogues , la psychose , le suicide-dans l’imaginaire notamment l’art , la recherche scientifique
  • la soumission  elle met en jeu le système d’inhibition de l’action (SIA) endocrinosympathique  qui, s’il reste durablement actif, va donner naissance à l’angoisse et aux affections pyscho somatiques (HTA, dépression, troubles du sommeil, de l’immunité (infections, cancers…).A noter que pour LABORIT notre médecine occidentale est simplement une médecine de l’urgence, puisqu’elle ne traite que la phase finale de tout un processus pathologique causal, qu’elle méconnait totalement.

  A partir de ces notions LABORIT  va nous donner son point de vue sur différents domaines humains (l’Amour ,la  politique , la foi…) où il va mettre l’accent sur notre totale absence de liberté liée au fait que nous sommes dirigés par notre inconscient,  toujours dans le sens de la dominance , et que nous habillons tout ceci de belles phrases totalement creuses ,sans rapport avec la réalité.
 
 L ‘ AMOUR


   -c’est pour lui un mot dangereux puisque de tout temps c’est une tunique honorable pour toutes les atrocités humaines : l’Amour de la Justice, de la Patrie, de Dieu…a mené …aux croisades, inquisition, guerres, exécutions, tortures …
-l’amour entre deux êtres humains nait du renforcement de l’action gratifiante, autorisée par l’autre  dans notre espace opérationnel
 -le refus de ce renforcement par l’autre ou son caractère partiel (infidélité) blesse l’image idéale que l’on se fait de soi, notre narcissisme, et initie soit la dépression, soit l’agressivité, soit le dénigrement de l’être aimé
 -pour que l’amour soit heureux il faut admettre sa part imaginaire, créatrice, culturelle, et surtout ne pas vouloir la calquer sur l’être réel sous peine de déception
 -le vrai amour devrait être inconditionnel, mais il est alors souvent taxé d’indifférence
 -dans l’amour au sens large=l’altruisme, il n’y a rien de remarquable, c’est uniquement une satisfaction de nos pulsions
 
UNE IDÉE DE L’HOMME


 -le langage n’est qu’une interprétation logique/rationalisation  des faits de conscience qui sont eux la conséquence des pulsions et acquis culturels inconscients
 -les hiérarchies de dominance sont ainsi justifiées par le discours, ce qui est une tromperie
 – le rêve est une libération de l’inconscient
 
 L’ANGOISSE

 -la source profonde de notre angoisse existentielle est notre solitude ontologique et la certitude de notre fin programmée
 -la pensée omniprésente a fait oublier le caractère indispensable au SN de l’action=tout empêchement de celle-ci génère de l’angoisse
 -les raisons de l’empêchement de l’action:
   .1.le plus souvent conflit entre les pulsions et les interdits socio culturels
   .2.le déficit informationnel sur l’avenir
   .3.à l’inverse, la surabondance informationnelle (ex des médias)
   .4.l’imagination anticipatrice (du pire bien entendu)
 -l’angoisse de la mort peut faire appel à 1.2.4 à la fois
 
LA CULTURE
 
-toutes les idéologies imposent le rôle producteur de l’homme et la culture comme soupape des dominés, pour maintenir leur force de travail et éviter leur révolte
-l’art est une fuite, dans le sens où rien ne peut objectivement permettre de le juger objectivement, à ceci prés que la fuite peut être annulée lors de la reconnaissance par la société de l’artiste par son insertion dans le système marchand
-la culture est un bric à brac de jugements de valeurs =comment pourrait il en être autrement, alors que la clef des « choix » de l’homme a été cachée dès son enfance sous son oreiller  et qu’il n’a jamais eu l’occasion de faire son berceau, sa mère s’en charge?  
> L’ENFANCE
 
 -l’influence du milieu environnant est prépondérante, dès la phase intra utérine, avec deux réactions possibles: conformisme /anticonformisme
 -la seule chose innée est la recherche de l’objet/être  gratifiant
> -la seule éducation valable serait  le relativisme = »il n’existe pas de certitudes ou alors temporaires » « nous acceptons la socio culture comme un moyen imparfait et temporaire de vivre en société, à réinventer . » avec la difficulté que sans repères l’enfant (et l’adulte souvent) font connaissance avec l’angoisse
 -attention à l’amour parental -auto admiratif à travers les enfants
                                           -auto satisfaisant à travers l’ascension des enfants plus hauts que soi
 -avant de proposer à vos enfants de faire leur bonheur, veiller à ne pas participer à leur malheur : ce qui ne sera possible que si vous mourrez précocement, occasion pour eux de vous transformer en mythe qu’ils pourront alors façonner suivant leur désir
 
 LES AUTRES
 
 -le SN vierge de l’enfant ne deviendra humain qu’au contact des autres (un enfant sauvage ne deviendra jamais humain) à tel point qu’il peut n’être plus qu’eux
 -mais les autres sont à la fois :
    .en compétition avec nous pour l’objet/être gratifiant ,d’où établissement des échelles de dominance
    .nécessaires pour former des groupes où l’on se sent plus fort=le plus basique étant la famille
 -l’intérêt pour l’espèce est  une nécessité pour le maintien de sa structure
 
 LA LIBERTÉ
 
 -elle n’existe que par l’ignorance de ce qui nous fait agir=l’inconscient
 -or celui ci est régi par des règles strictes =la sauvegarde de notre organisme
 -admettre l’absence de liberté de chacun enseigne la tolérance
 
LA MORT
 
 -l’individu ne s’appartient pas , il est constitué par la confluence des autres, ce qui explique la douleur lors d’un décès =on pleure sur la partie de l’autre en nous, de même  notre mort est la mort des autres en nous
 -le rôle de l’être humain c’est de transmettre ce qu’on lui a appris, sans le déformer, sans l’imposer non plus en formatant l’enfant, l’idéal étant  quand l’homme rajoute au message quelque chose de propre à lui
 -la vraie famille de l’homme ce sont ses idées, véhiculées de génération en génération par les SN qui se succèdent
 
 LE PLAISIR
 
 -il est lié à l’accomplissement de l’action gratifiante
 -il est recherché par tous, même les biens pensants, même le suicidé pour qui supprimer la douleur est un plaisir
 -mais l’action gratifiante est en compétition avec celle des autres (avec les 4 attitudes possibles vues plus haut), d’où les lois , la hiérarchie
 -plus le besoin à assouvir est puissant, plus ce que l’on appelle « la volonté » est forte
 
LE BONHEUR
 
 -c’est un état stable=c’est être capable de désirer, d’exprimer du plaisir à la satisfaction de ce désir, du bien être quand il est satisfait, en attendant le retour du désir pour recommencer
 -l’obstacle là encore est les échelles de dominance, avec lorsque le différentiel de gratification dominant/dominé est trop important  (pays sous développés) des explosions de violence généralisée, l’interdépendance dominants /dominés dans les pays développés générant plus de l’inhibition de l’action , la violence étant alors là ,ponctuelle, de type terroriste
 
 LE TRAVAIL
 
 -il a perdu sa valeur d’intégration à un tout (sociétal, planétaire..
 -il sert désormais à maintenir, par sa plus value, les dominances (bien entendu dans le capitalisme, mais également dans le socialisme dévoyé où la dominance est bureaucratique)
 -l’homme a classé le chaos du monde avec la science pour agir  ais ce faisant il s’est coupé de celui là , ne réalisant pas qu’il fait partie intégrante de la biosphère et qu’en lui portant atteinte il s’autodétruit ; il ne propose actuellement  comme but dans la vie que la production d’objets pour la production d’objets et la publicité pour lui donner envie de les acquérir
 -il faudrait que l’homme ait plus de temps libre pour s’interroger sur lui-même (mais les dominants n’y ont pas intérêt !!)
 -pour LABORIT réaliser que ni la liberté, ni la décision, ni la responsabilité n’existent, devrait faire disparaitre la motivation de s’élever dans la hiérarchie et l’adhésion à la production pour la production
 
 
 LE SENS DE LA VIE
 
 -les processus vivants étant programmés come ils le sont , il s’agit moins de savoir comment? par qui ? que  » à quelle action aboutissent-ils? »
 -pour LABORIT le sens de la vie  serait de mettre en commun les capacités des hommes pour augmenter le niveau d’information
 -il pense que le dernier niveau de conscience des déterminismes à atteindre « le signifié de la vie « , si tant est que cela soit possible un jour, serait la découverte du niveau de déterminisme cosmique de notre présence ici bas
 -la violence qui s’ignore ou se croit justifiée est contraire  à l’évolution de l’espèce :il faut la combattre et pardonner aux inconscients qui la génèrent
 
LA POLITIQUE
 
 -LABORIT  est  pessimiste du fait des dominances qui sont évidemment présentes
 -pour lui il faut que chaque groupe humain comprenne que,  comme une cellule dans un organisme vivant, son seul intérêt devrait être le fonctionnement harmonieux de notre grand organisme qu’est l’espèce humaine
 -que pour celà il faudrait que la gestion des ressources primaires, de l’énergie et de l’information se fasse à l’échelle planétaire , mais avec le risque qu’une dominance s’y établisse (si ce n’est pas déjà fait:grandes puissances , multinationales , industries d’armement maintenant le chaos…)
 -pour un projet de société idéale ce n’est pas l’utopie qui est dangereuse, mais le dogmatisme utilisé pour maintenir dans l’erreur une dominance
 
 LA FOI
 
 -son apparition est liée à l’angoisse existentielle
 -elle se trouve souvent être utile à deux systèmes historiques de dominance fréquemment alliés =le politique et le religieux,
 en promettant une récompense dans l’au delà, elle tempère la révolte ici bas
 -comme thérapeutique de l’angoisse elle a été remplacée par la science mais celle ci a déçu, car elle organise la vie, mais ne lui donne pas un sens
 -le signifié que nous croyons découvrir aujourd’hui dans le message du Christ est celui que nos connaissances actuelles du signifiant nous permettent de comprendre. Cependant le plus troublant, c’est que cet imaginaire incarné, qui, en conséquence, ne peut être autre chose que ce que nous sommes, puisse contenir un invariant suffisamment essentiel pour, toujours et partout, guérir l’angoisse congénitale de l’homme
 
 COMMENTAIRES  PERSONNELS
 
 Le message parait cynique, mais quand on voit que effectivement le progrès technique n’a pas effacé les horreurs des premiers temps de l’homme (guerre, torture..) on peut penser avec LABORIT qu’il y a une science à développer d’urgence =celle des comportements humains, ce à quoi s’attache la Logique Emotionnelle  pour que  l’on puisse apprendre à chaque être humain les racines de son fonctionnement , l’enseigner aux enfants , pour que tout être humain puisse ainsi acquérir une possibilité de modifier ses comportements (dans le sens d’une absence d’automatismes, de l’acquisition d’une motivation non hiérarchique,…grâce au temps libre, à l’information généralisée…)  , et puisse   consacrer son imaginaire à la recherche d’autres types d’organisations humaines à l’échelle de l’espèce .
 
Le tout est résumé dans une proposition qu’il fait dans « la nouvelle grille » :
remplacer « liberté, égalité, fraternité »  auquel vous avez compris qu’il ne croit pas !  par :
 conscience  (des déterminismes)  connaissance   (des mécanismes)   imagination   (pour la survie de notre espèce)

Neurosciences

Institut de Logique Emotionnelle - 9 rue d'Avron 75020 Paris

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